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Libération

Quand les rappeurs font de l'incitation civique

En 2002, ils ne s'étaient mobilisés qu'après le premier tour. Cette fois, ils s'y sont mis en amont, et en nombre.
publié le 7 avril 2007 à 7h06

Ce n'est pas la première élection présidentielle où le rap s'invite dans les débats. Mais jamais les artistes n'étaient montés au créneau aussi longtemps à l'avance, et autant en nombre. La forte concurrence du milieu les empêchant de se fédérer, comme aux Etats-Unis pour la campagne «Vote or Die» («vote ou meurs»), tous y sont allés de leur initiative.

Tract. Certains comme Diam's, Akhenaton et Axiom ont inclus dans leur disque un tract sur les conditions pour s'inscrire sur les listes électorales. Le Parisien Rost a rédigé un «guide du votant» avec interview des présidentiables. Les coqueluches de la nouvelle génération, Sefyu ou la Marseillaise Keny Arkana, participent à des forums et des débats. D'autres comme Saïan Supa Crew, Pit Baccardi, Youssoupha ou Stomy Bugsy ont donné leur opinion sur la présidentielle dans le CD «Ecoute la rue, Marianne» (1). Demon One détourne l'affiche du candidat UMP dans son clip «Votez pour moi» et dénonce la démagogie du débat.

Tous, dans leurs concerts, rappellent l'importance du vote, la nécessité de lire les programmes et la presse et de rester critiques, à l'instar d'un JoeyStarr transformant presque son Olympia en meeting. Leurs efforts, concomitants au travail des associations comme AC le Feu ou Votez banlieue, de radios comme Générations et son émission République tout terrain, ont apparemment payé puisque, en Seine-Saint-Denis, les inscriptions ont augmenté de 8,5 % par rapport à 2002 ­ plus de 40 % à Saint-Denis, le fief des NTM.

Sourdine. En 2002, le rap français avait attendu le second tour pour se mobiliser et mettre un temps en sourdine ses querelles internes pour se rassembler autour d'Akhenaton, du groupe IAM, et réaliser une VHS distribuée dans les quartiers en appelant à contrer Jean-Marie Le Pen. Déjà, pour la présidentielle de 1995, le même rappeur avait proposé d'envoyer des bus pour emmener les jeunes voter au premier tour. Tous ses collègues avaient alors ricané, JoeyStarr en tête. C'est pourtant lui qui, au lendemain des violences urbaines de novembre 2005, décide de mener la fronde, appelant avec son collectif, Devoirs de mémoires, et celui de Clichy-sous-Bois, AC le Feu, jeunes et moins jeunes à s'inscrire sur les listes.

Aujourd'hui, Akhenaton, qui avait pourtant promis de ne plus intervenir, vient de franchir un cap en annonçant dans le Monde qu'il votera Ségolène Royal. Les autres artistes préfèrent encore garder leur choix pour l'isoloir même si tous, à l'exception de Doc Gyneco, se positionnent contre le candidat UMP : «Economiquement, reconnaît Feniski de Saïan Supa Crew, il y a des choses qui nous paraissent logiques dans ce que dit Sarkozy. Mais, au-delà du rejet de sa personne ou de son programme, ce qui inquiète, c'est l'idée de la France qu'il défend.»

(1) Edité par Pias.

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