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Edito

Parfums made in France: à Grasse, une histoire à l’eau de rose et quelques épines

Dans la capitale mondiale du parfum, les grandes marques du luxe s’arrachent les domaines horticoles pour en faire les vitrines de leurs produits. Un retour qui provoque des rivalités foncières avec les agriculteurs locaux.
par Lauren Provost, Directrice adjointe de la rédaction
publié le 17 août 2022 à 19h53

C’est ce qu’on appelle une belle histoire, et dans ce cas bien précis, on peut se risquer à parler d’une histoire à l’eau de rose. Au premier abord, elle sent bon la relocalisation et le made in France. Cocorico : Grasse, considérée comme la capitale mondiale du parfum depuis le XVIIe avant de connaître le déclin dans les années 80, attire à nouveau les grandes marques du luxe français en quête d’authenticité et de fleurs «bien de chez nous». Après le retour de Chanel, et des nez des maisons de LVMH – Christian Dior et Louis Vuitton – c’est la marque à la fleur, Lancôme, qui a inauguré fin mai un domaine horticole de 4 hectares dans le berceau de la parfumerie. La deuxième récolte des roses Centifolia du fleuron du groupe L’Oréal a eu lieu cette année au milieu des oliviers et des restanques. Dans cette carte postale azuréenne, la marque de luxe ne cache pas que sa nouvelle propriété est une vitrine. La production grassoise ne saurait remplir les flacons écoulés chaque année par le géant de la parfumerie. Mais l’opération de communication est profitable, pour Lancôme bien sûr, comme pour ceux qui se battent depuis des années pour redynamiser une production qui avait quasiment disparu.

Mais si on regarde au fond du flacon, que voit-on vraiment ? L’enquête de Libération montre que la rose de Grasse pose d’épineuses, mais tout aussi passionnantes, questions. Celle des parfums made in France qui ne le sont pas à 100 %. Celle de l’opacité de ce secteur dans lequel rares sont les autorités indépendantes à contrôler la composition des précieux élixirs. Celle de la rivalité foncière pour les terres agricoles, entre parfumeurs, maraîchers, industriels et promoteurs immobiliers. Celle des producteurs des Alpes-Maritimes qui veulent eux aussi s’installer, cultiver roses et jasmin et revendre plutôt que de voir les terrains leur filer sous le nez pour servir de devantures aux grands groupes. Et dans cette histoire comme dans bien d’autres, on sait malheureusement déjà qui parviendra à avoir les fleurs et l’argent des fleurs…

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