C’était la clé du scrutin. Le 30 juin, le premier tour des législatives avait dégagé quelque 300 triangulaires, transformées majoritairement en duel avec le désistement de plus de 200 postulants du Nouveau Front populaire et de la majorité sortante. Objectif : favoriser les candidats «républicains» restants pour faire «barrage» aux candidats du RN. Mais les électeurs allaient-ils suivre les consignes de vote des partis et reporter leur voix sur le candidat «républicain» restant ? Les résultats du second tour dimanche indiquent nettement que la réponse est oui. Ces reports de voix ont empêché le RN d’atteindre la majorité absolue, jusqu’à créer la surprise en le plaçant en troisième position, derrière le Nouveau Front populaire et le camp présidentiel.
Une enquête de l’institut de sondage Ipsos révèle néanmoins des disparités dans la solidité de ce «front républicain» chez les électeurs. Si le report de voix a été massif parmi les électeurs de gauche, il est timide chez ceux du camp présidentiel. Quant aux électeurs LR, ils ont largement voté RN (ou se sont abstenus) en cas de duel NFP-RN. Pour autant, la solidité du «front républicain» a surpris Mathieu Doiret, politologue à l’institut Ipsos. «Les électeurs ont été étonnamment peu sensibles à ce qui a été dit lors du premier tour, confie-t-il à CheckNews, citant par exemple la stratégie ni LFI ni RN d’une partie du camp présidentiel. Mais très attentifs aux consignes de vote du second.»
Les plus fidèles au «front républicain»
Les électeurs qui ont voté Nouveau Front populaire au premier tour sont ceux qui ont été les plus fidèles au «front républicain» au second tour. Dans les duels opposant un candidat Ensemble à un candidat du RN, ils sont 72 % à avoir voté pour le candidat Ensemble, contre seulement 3 % pour le candidat du RN. Un quart d’entre eux se sont abstenus ou ont voté blanc (25 %).
Même dynamique dans les duels opposant un candidat LR-Divers droite à un candidat RN. 70 % des électeurs du NFP ont voté pour le candidat de droite, 2 % pour le candidat RN et 28 % ont privilégié l’abstention ou le vote blanc.
Moins de la moitié des électeurs de la majorité sortante ont voté pour un «insoumis» face au RN
Si le report des voix des électeurs du camp présidentiel s’est plutôt fait au bénéfice de la gauche au second tour, les hésitations du camp présidentiel dans le fait d’intégrer LFI au «front républicain» ont peut-être eu un effet sur la solidité du «barrage» au RN. Ainsi, moins de la moitié (43 %) des électeurs d’Ensemble au premier tour ont voté pour un candidat LFI lorsqu’il était face à un candidat RN ce dimanche 7 juillet. 19 % d’entre eux ont même voté pour le candidat d’extrême droite, quand 38 % se sont abstenus ou ont voté blanc. Une hésitation qu’explique Mathieu Doiret, de l’Institut Ipsos, «l’électorat d’Ensemble est très composite, avec une frange venue de la droite. Il n’est donc pas unanime sur le soutien à la gauche».
Dans les duels opposant un candidat PS-Ecologistes ou PCF face à un candidat RN, 54 % des électeurs de la majorité sortante ont voté pour le candidat de gauche contre le candidat RN. L’abstention ou le vote blanc chute de 7 points, à 31 %. Tandis que 15 % des électeurs d’Ensemble choisissent, dans cette configuration, le candidat RN.
La frilosité des électeurs d’Ensemble pour faire «barrage» se fait nettement moins sentir dans les duels opposant un candidat LR face au RN. Ils sont alors 79 % à voter pour le candidat LR, contre seulement 4 % pour le candidat RN, avec 17 % d’abstention ou de vote blanc.
Barrage à la gauche
Chez les électeurs LR-Divers droite du premier tour, le «front républicain» ne fonctionne qu’au bénéfice de la majorité sortante. Ainsi, dans les duels Ensemble contre RN, ils sont 53 % à voter pour le candidat Ensemble, 26 % à voter pour le candidat d’extrême droite et 21 % à s’abstenir ou à voter blanc.
Tandis que dans les duels NFP-RN, le vote des électeurs de droite penche même pour un «barrage» à la gauche. Dans un duel LFI contre RN, ils sont 38 % à voter pour le candidat RN, 26 % à voter pour le candidat NFP, 36 % à voter blanc ou à s’abstenir. Le vote de ces électeurs en faveur d’un candidat PS-Ecologistes-PCF face au RN est à peine plus élevé : 29 % (contre 34 % pour le candidat RN). Ils sont un peu plus à s’abstenir, à 37 %.