Alzheimer : ces très rares individus colombiens qui font de la résistance à la maladie

IRM et imagerie TEP (tomographie par émission de positons) après injection d’un traceur faiblement radioactif : le fluorodéoxyglucose (en abrégé [18F]-FDG). Comparaison entre un cerveau normal et celui d’un individu atteint de la maladie d’Alzheimer (AD) à un stade précoce. © Flickr

L’histoire commence véritablement en novembre 2019 lorsque des chercheurs colombiens de l’université d’Antioquia à Medellín, en association avec des neurologues du Massachusetts General Hospital de Boston, rapportent dans la revue Nature Medicine avoir identifié la présence, en double exemplaire, d’une particularité génétique chez une femme colombienne appartenant à une très grande famille dont les membres sont génétiquement prédisposés à développer une forme précoce de la maladie d’Alzheimer.

Du fait de sa constitution génétique, cette femme aurait déjà dû souffrir de cette pathologie neurodégénérative depuis de très nombreuses années, mais elle ne l’a toujours pas développée. Afin de protéger son anonymat, ni son âge, ni d’autres informations qui auraient pu permettre de l’identifier, ne sont alors révélés dans l’article scientifique. Tout juste sait-on qu’elle a dépassé les 70 ans.

Une rare mutation associée à un début de déclin cognitif dès 45 ans

Dans cette vaste famille colombienne, qui compte environ 6 000 sujets apparentés, les chercheurs ont identifié plus de 1 077 personnes porteuses de la mutation E280A du gène PSEN1*, codant la protéine préséniline 1, présente de façon prédominante dans les neurones. Hériter de la mutation PSEN1/E280A entraîne un risque quasiment de 100 % de développer la maladie d’Alzheimer (forme dite à transmission autosomique dominante).

La plupart des sujets de cette famille porteurs de la mutation PSEN1/E280A présentent un déclin cognitif vers 44 ans et développent une démence quand ils atteignent 49 ans. Or, il se trouve que cette femme septuagénaire, porteuse de la mutation PSEN1, ne souffre toujours pas de déclin cognitif, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce qu’elle souffre de la maladie d’Alzheimer depuis près de trois décennies.

Les généticiens colombiens ont découvert que cette femme, prédisposée à développer une maladie d’Alzheimer à un âge précoce, est par ailleurs porteuse d’un variant génétique qui confère une résistance à la maladie d’Alzheimer.

Cette femme possède deux copies d’une variante rare du gène APOE

Cette femme est porteuse de la mutation E280E dans le gène PSEN1, mais son génome renferme également une mutation [Arg136→Ser] sur le gène APOE3. Cette mutation est baptisée APOE3 Christchurch, du nom de la ville de Nouvelle-Zélande dans laquelle elle a été identifiée en 1987 pour la première fois.

Cette septuagénaire a hérité de ses deux parents d’une copie de cette variante génétique, qu’elle possède donc en deux exemplaires, ce qui revient à dire dans le langage des généticiens qu’elle est homozygote pour la variante génétique APOE3 Christchurch (APOE3ch).

Petit rappel sur la maladie d’Alzheimer pour comprendre la suite. Cette maladie neurodégénérative est caractérisée par la présence dans le cerveau des patients de deux types de lésions : des dépôts amyloïdes (plaques séniles) et des agrégats de protéine Tau.

L’accumulation progressive de dépôts amyloïdes dans le cerveau débute, chez les patients, plusieurs décennies avant l’apparition des troubles cognitifs. Dans la maladie d’Alzheimer, l’accumulation de protéine Tau entraîne, quant à elle, la formation d’enchevêtrements neurofibrillaires (fibrilles). La protéine Tau est ainsi le constituant majeur des dégénérescences neurofibrillaires. Le taux de protéine Tau est élevé dans la maladie d’Alzheimer avant l’apparition des symptômes ainsi qu’au stade de démence.

Les chercheurs ont voulu savoir si sa résistance à la forme précoce de la maladie d’Alzheimer était associée à une quantité limitée de protéine bêta amyloïde. Ils ont également cherché à déterminer s’il existe une agrégation de la protéine Tau dans le cerveau de la femme.

Les résultats ont eu de quoi surprendre Yakeel Quiroz, Joseph Arboleda‑Velasquez et leurs collègues de Boston. Le cerveau de cette femme, qui ne présente pas de déclin cognitif majeur alors même qu’elle devrait souffrir d’Alzheimer, montre une importante charge amyloïde cérébrale, mais un faible taux de protéine Tau ainsi qu’un niveau de dégénérescence neuronale très limité pour son âge.

Par ailleurs, les résultats de l’imagerie TEP (tomographie par émission de positons) montrent que la présence de protéine Tau est limitée aux régions temporales médiales et occipitales. Elle épargne relativement d’autres régions du cerveau qui sont généralement touchées lors de l’évolution clinique de la maladie d’Alzheimer.

Enfin, l’IRM cérébrale montre que le volume relatif de l’hippocampe (région qui subit une atrophie dans la maladie d’Alzheimer) par rapport à celui du cerveau complet, est dans les limites de la normale.

Les chercheurs déterminent la concentration dans le plasma sanguin de NfL, (neurofilament light chain proteins), protéines spécifiquement produites par les neurones et qui sont libérées dans le sang en cas de souffrance des axones (longs prolongements de neurones). Les taux de NfL sont bas.

L’ensemble des résultats montre que cette femme septuagénaire,  homozygote pour la mutation APOE3 Christchurch (APOE3ch), est remarquablement résistante vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer (forme autosomique dominante) qui touche sa propre famille à un âge précoce. Il semble que cette résistance s’opère via un mécanisme qui limite les effets délétères de la protéine Tau et la dégénérescence, même en présence d’une charge amyloïde élevée.

Trois formes du gène APOE, impliqué dans le métabolisme du cholestérol

Le gène APOE3 est une des trois formes (allèles) du gène APOE qui code l’apolipoprotéine E, qui intervient dans la physiologie normale du cerveau, notamment dans le transport du cholestérol et le remodelage synaptique.

Chez l’homme, trois formes du gène APOE existent. On parle de trois allèles, dénommés APOE2, APOE3, APOE4. Ces gènes codent trois protéines E2, E3 et E4, qui sont des transporteurs des lipides sanguins.

L’allèle APOE3 (le plus fréquent) est considéré comme associé à un risque neutre (ni augmenté, ni diminué).

L’allèle APOE2 est associé à un moindre risque de développer la maladie d’Alzheimer (protection relative). En effet, le fait de posséder deux copies du gène APOE2 (c’est-à-dire être homozygote pour APOE2) retarde d’environ dix ans le début de la forme la plus courante de la maladie d’Alzheimer. Ainsi, posséder deux copies du gène APOE2 est associé à un plus faible risque de démence que chez les individus ayant un gène APOE2 et un gène APOE3 ou des personnes ayant deux copies du gène APOE3.

À l’inverse, les individus porteurs d’au moins un allèle APOE4 ont un risque élevé de la développer. Une étude parue dans la revue Nature Medicine en mai 2024 a montré qu’être porteur de deux copies du gène APOE4 (c’est-à-dire être homozygote), revient à présenter une forme génétique distincte de la maladie d’Alzheimer, associée à un début des symptômes à 65 ans. À cet âge, presque toutes ces personnes homozygotes pour APOE4 ont des taux anormaux de peptides amyloïdes dans le liquide céphalorachidien et 75 % ont des dépôts amyloïdes anormaux dans le cerveau. Par rapport à ce que l’on observe chez les personnes homozygotes pour APOE3, celles qui sont homozygotes pour APOE4 ont quasiment toutes des niveaux significativement plus élevés de biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer dès l’âge de 55 ans.

Protégée vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer pendant près de 30 ans

Revenons à cette patiente colombienne porteuse de la mutation PSEN1/E280A mais dont le génome contient également deux copies du rare variant R136S du gène APOE3.

Ce n’est qu’à l’âge de 72 ans que cette femme a présenté un trouble cognitif léger, soit presque de trois décennies après l’âge typique d’apparition des symptômes chez les porteurs de la mutation PSEN1/E280A dans la même famille. Le diagnostic de démence légère a été posé quand elle avait 75 ans.

On connaît désormais le nom de cette femme qui présentait une résistance extrême à une forme familiale de maladie d’Alzheimer débutant à la quarantaine : Aliria Rosa Piedrahita de Villegas. Elle est décédée à 77 ans d’un cancer, en l’occurrence d’un mélanome malin métastatique.

Analyse d’un cerveau ayant défié la maladie d’Alzheimer

Ses proches ont fait don de son cerveau afin que les chercheurs de l’université d’Antioquia à Medellín puissent déterminer quelles régions du cerveau étaient atteintes, ou épargnées, par l’accumulation de protéine Tau et par la dégénérescence neuronale. À l’autopsie, les anatomopathologistes ont observé que le cerveau était sévèrement atrophié et présentait certaines anomalies associées à la maladie d’Alzheimer, pathologie contre laquelle elle avait été protégée pendant près de trente ans.

Les chercheurs ont cependant observé dans le cerveau de cette femme une répartition atypique de la protéine Tau. Des dépôts anormaux de cette protéine ont été observés dans le cortex occipital, sévèrement touché, alors que le cortex frontal était épargné. Le cortex occipital était également la seule région corticale à présenter des anomalies liées à l’accumulation de peptides amyloïdes anormaux autour de vaisseaux sanguins.

Chez cette femme homozygote pour la mutation APO3 Christchurch, il s’avère que la distribution intracérébrale de la protéine Tau diffère grandement de ce que l’on observe dans les autres formes de la maladie d’Alzheimer. De plus, son cerveau présente une moindre dégénérescence neuronale que celle observée chez les personnes porteuses de la mutation PSEN1/E280A en l’absence de mutation APO3 Christchurch.

Mais qu’en est-il des personnes qui ne seraient porteuses que d’une seule copie de la mutation APO3 Christchurch et non de deux copies de cette mutation, situation extrêmement rare ? En d’autres termes, être hétérozygote pour cette mutation permettrait-il d’être protégé de la maladie d’Alzheimer alors même que l’on possède une mutation du gène PSEN1 associée à un risque quasi-certain de survenue de maladie d’Alzheimer à partir de la quarantaine ? C’est ce qu’ont voulu déterminer les chercheurs de Medellin et Boston dont les résultats ont été publiés le 20 juin 2024 dans l’hebdomadaire médical américain The New England Journal of Medicine.

27 personnes ayant une seule copie de la mutation APO3 Christchurch

Ces chercheurs ont identifié 27 personnes qui, comme la septuagénaire Aliria Rosa Piedrahita de Villegas, sont porteurs de la mutation E280A du gène PSEN1 associée à la forme autosomique dominante de la maladie d’Alzheimer, et possèdent par ailleurs une unique copie de la mutation APO3 Christchurch héritée de l’un des deux parents. Cette vingtaine de personnes fait partie du millier de descendants d’une famille colombienne suivie par les chercheurs colombiens et américains depuis 1995.

Ces 27 personnes hétérozygotes pour la mutation APO3Ch et la mutation E280A du gène PSEN1 ont été suivies sur les plans clinique ou neuropsychologique. Les chercheurs ont estimé l’âge de début du déclin cognitif et de la démence dans ce groupe en comparaison avec des individus non porteurs de la mutation APO3Ch. Deux participants ont passé des examens d’imagerie cérébrale. Le cerveau a été examiné après le décès de quatre personnes.

L’âge de début du déclin cognitif a été de 52 ans chez les individus hétérozygotes pour la mutation APO3Ch, contre 47 ans chez les non porteurs de cette mutation. De même, l’âge médian de survenue de la démence a été de 54 ans pour les porteurs de la mutation APO3Ch, alors qu’il était de 50 ans pour les non porteurs.

Deux participants porteurs d’une copie de la mutation APOE3Ch et de la mutation PSEN1/E280A ont passé une tomographique par émission de positons (TEP). Cet examen a montré une activité métabolique relativement préservée dans les zones généralement impliquées dans la maladie d’Alzheimer.

Plus de dépôts amyloïdes, mais moins de protéine Tau

Charge amyloïde et charge en protéine Tau de patients hétérozygotes pour les variantes PSEN1/E280A et APOE3Ch. Quiroz YT, et al. N Engl J Med. 2024 Jun 20;390(23):2156-2164.

L’analyse post-mortem du cerveau de quatre participants a montré de façon surprenante une quantité moindre de dépôts amyloïdes dans le cortex frontal  (qui contrôle nos comportements les plus complexes) que ce qui est observé à l’examen post-mortem de personnes porteuses de la PSEN1/E280A mais pas de la mutation APO3Ch.

Enfin, un autre examen d’imagerie, visant à détecter la présence de la protéine Tau dans le cerveau en utilisant un radiotraceur (flortaucipir) qui se lie à la protéine Tau, a été utilisé chez un participant. Il s’avère que le taux de protéine Tau était limité chez cet individu par rapport à ce que l’on observe chez les autres personnes porteuses de la mutation PSEN1/E280A qui présentent un déclin cognitif au même âge.

Une seule copie de la mutation APO3Ch a aussi un effet protecteur

L’ensemble de ces résultats montre donc que le fait de posséder une seule copie de la mutation APO3 Christchurch, autrement dit être hétérozygote pour cette variante génétique, permet de retarder l’apparition du déclin cognitif dans une forme héréditaire de maladie d’Alzheimer à transmission autosomique dominante.

Il n’est donc pas nécessaire, comme Aliria Rosa Piedrahita de Villegas, de posséder deux copies de cette mutation pour bénéficier de cet effet protecteur vis-à-vis de cette pathologie neurodégénérative.

Ces rares individus pourraient orienter les recherches sur de nouveaux traitements

Des études supplémentaires portant sur un plus grand nombre de personnes et plus divers sur le plan ethnique pourraient permettre de confirmer ces résultats et comprendre par quels mécanismes la variante APOE3 Christchurch exerce un effet protecteur, et si cela est également le cas dans la variété la plus fréquente de la maladie d’Alzheimer, appelée forme sporadique, dont les premiers symptômes se manifestent le plus souvent après l’âge de 65 ans et plus fréquemment après 70 ou 75 ans. Par ailleurs, d’autres gènes** semblent être également impliqués dans la résistance à la maladie d’Alzheimer.

Il s’agit d’élaborer des stratégies visant à reproduire les conséquences de la présence naturelle de la mutation APOE3 Christchurch.

Une approche expérimentale vise à concevoir des médicaments qui mimeraient l’effet protecteur de la variante Christchurch du gène APOE. On sait que cette mutation est localisée dans un domaine de la protéine APOE3 qui interagit avec des protéoglycanes à héparane sulfate (HSPG), qui sont des molécules présentes à la surface des cellules. D’où l’hypothèse que les interactions entre APOE et HSPG puissent jouer un rôle critique dans la progression de la maladie d’Alzheimer. L’équipe américano-colombienne a développé un anticorps qui inhibe cette interaction.

Administré à des souris génétiquement modifiées pour développer les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, cet anticorps anti-APOE-HSPG réduit l’accumulation des enchevêtrements fibrillaires de la protéine Tau, observent les chercheurs. Ces résultats ont été publiés en février 2024 dans la revue Alzheimer’s and Dementia.

Comme le souligne John Hardy (University College, Londres) dans un éditorial associé à l’article des chercheurs colombiens et américains, il est « intriguant » de constater que le fait d’être homozygote pour la mutation APOE3Ch, comme pour le gène APOE2, est également associé à l’hyperlipoprotéinémie de type III, trouble d’origine génétique caractérisé par des taux élevés de cholestérol et de triglycérides.

Cette observation suggère que les deux variantes génétiques du gène APOE ayant un effet protecteur vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer interfèrent de façon similaire avec les récepteurs APOE, notamment exprimés à la surface des neurones. En effet, le cholestérol est internalisé dans les neurones par l’intermédiaire de l’APOE qui interagit avec ces récepteurs.

L’indispensable apport des souris transgéniques

Selon le Pr John Hardy, l’existence d’un lien entre la présence de la mutation APOE3Ch et un trouble des lipides sanguins offre en soi un point de départ pour conduire des recherches en biologie cellulaire visant à élucider la nature de ce lien. Elle invite également à créer des animaux génétiquement modifiés (souris transgéniques) pour tenter de disséquer ces mécanismes.

En utilisant des souris transgéniques, l’équipe américano-colombienne a récemment montré que la mutation APO3 protège de la pathologie induite par la protéine Tau, de la neurodégénérescence et de l’inflammation neuronale. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Neurosciences en décembre 2023.

Une équipe de chercheurs de la faculté de médecine de l’université Washington à Saint-Louis (Missouri) a récemment créé des souris transgéniques produisant une grande quantité de plaques amyloïdes et exprimant la mutation APOE3Ch. Ils ont ensuite injecté dans le cerveau de ces rongeurs la protéine Tau humaine afin de savoir si cela allait enclencher le processus de neurodégénérescence neuronale. Cela n’a pas été le cas.

La raison en est que APOE3ch augmente l’activité des cellules microgliales autour des plaques. Ces cellules sont des macrophages qui résident dans le système nerveux central. Les chercheurs ont montré que les cellules microgliales débarrassent le cerveau des agrégats (fibrilles) de protéines Tau en les dégradant et les phagocytant. La captation et la dégradation de la protéine Tau par les cellules microgliales s’effectuent via les récepteurs APOE.

Au total, il ressort que APOE3ch induit une réponse des cellules microgliales vis-à-vis des plaques amyloïdes, qui supprime le développement de la pathologie induite par la protéine Tau et empêche sa diffusion. Ces résultats, publiés en janvier 2024 dans la revue Cell, ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques pour cibler la pathologie associée à la protéine Tau dans la maladie d’Alzheimer.

La compréhension de la dynamique précise des interactions de différentes formes du gène APOE avec les récepteurs APOE au sein du système nerveux central pourrait donc fournir des indices importants en vue du développement de nouveaux traitements, fait remarquer John Hardy.

Cela est d’autant plus vrai qu’une étude américaine, publiée en 2023 dans Alzheimer’s & Dementia, a montré qu’un autre gène associé au métabolisme des lipides (LRP1B, low density lipoprotein receptor–related protein 1B) semble aussi influencer l’âge de survenue de la maladie d’Alzheimer dans la vaste famille colombienne porteuse de la mutation PSEN1/E280A.

« Il est clair que le moment est venu de procéder à une étude ciblée et détaillée de l’implication pathogène de l’APOE dans la maladie d’Alzheimer », conclut John Hardy. Il apparaît donc essentiel d’approfondir les recherches sur cette thématique, dans l’espoir qu’un jour, de nouvelles connaissances conduiront au développement de nouvelles approches thérapeutiques efficaces.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur X, Facebook, LinkedIn, Mastodon, BlueSky, et sur mon autre blogLe diabète dans tous ses états, consacré aux mille et une facettes du diabète – déjà 66 billets).

* Le gène PSEN1 intervient dans le métabolisme de la protéine précurseur du peptide amyloïde (APP pour Amyloid Protein Precursor). Les anomalies génétiques des PSEN1 (comme du gène PSEN2), de même que celles du gène de l’APP, augmentent la production de peptides amyloïdes anormaux et entraînent la formation de plaques séniles. Les mutations PSEN1 sont rencontrées dans environ 43 % des formes familiales de maladie d’Alzheimer.

** L’équipe américano-colombienne a rapporté en mai 2023 dans Nature Medicine un autre exemple de résistance extrême à une forme familiale de la maladie d’Alzheimer de transmission autosomique dominante. Ce second cas mondial concerne un homme possédant la mutation PSEN1/E280A, mais qui présente une autre mutation génétique le protégeant de la maladie d’Alzheimer. Il est porteur hétérozygote d’un variant du gène RELN-COLBOS. Le terme COLBOS vient de la Colombia–Boston biomarker research study. Le produit de ce gène se lie à certains récepteurs de l’APOE et interagit avec des motifs présents sur les protéoglycanes à héparane sulfate présents dans le milieu extracellulaire. À 67 ans, ses fonctions cognitives étaient toujours intactes. Elles n’ont commencé à décliner qu’après l’âge de 70 ans.  Par ailleurs, une mutation découverte en 2012 dans la population islandaise offre un effet protecteur contre la maladie. L’injection cintra-cérébrale d’un peptide portant cette modification induit le même effet chez la souris. 

Pour en savoir plus :

Quiroz YT, Aguillon D, Aguirre-Acevedo DC, et al. APOE3 Christchurch Heterozygosity and Autosomal Dominant Alzheimer’s Disease. N Engl J Med. 2024 Jun 20;390(23):2156-2164. doi: 10.1056/NEJMoa2308583

Hardy J. Protection against Alzheimer’s Disease with APOE Christchurch Variant – How? N Engl J Med. 2024 Jun 20;390(23):2212-2213. doi: 10.1056/NEJMe2403712

Narasimhan S, Holtzman DM, Apostolova LG, et al. Apolipoprotein E in Alzheimer’s disease trajectories and the next-generation clinical care pathway. Nat Neurosci. 2024 Jun 19. doi: 10.1038/s41593-024-01669-5

Célestine M, Jacquier-Sarlin M, Borel E, et al. Transmissible long-term neuroprotective and pro-cognitive effects of 1-42 beta-amyloid with A2T icelandic mutation in an Alzheimer’s disease mouse model. Mol Psychiatry. 2024 Jun 14. doi: 10.1038/s41380-024-02611-8

Fortea J, Pegueroles J, Alcolea D, et al. APOE4 homozygozity represents a distinct genetic form of Alzheimer’s disease. Nat Med. 2024 May;30(5):1284-1291. doi: 10.1038/s41591-024-02931-w. 

Chen Y, Song S, Parhizkar S, et al. APOE3ch alters microglial response and suppresses Aβ-induced tau seeding and spread. Cell. 2024 Jan 18;187(2):428-445.e20. doi: 10.1016/j.cell.2023.11.029

Nelson MR, Liu P, Agrawal A, Yip O, et al. The APOE-R136S mutation protects against APOE4-driven Tau pathology, neurodegeneration and neuroinflammation. Nat Neurosci. 2023 Dec;26(12):2104-2121. doi: 10.1038/s41593-023-01480-8

Cochran JN, Acosta-Uribe J, Esposito BT, et al. Genetic associations with age at dementia onset in the PSEN1 E280A Colombian kindred. Alzheimers Dement. 2023 Sep;19(9):3835-3847. doi: 10.1002/alz.13021

Lopera F, Marino C, Chandrahas AS, et al. Resilience to autosomal dominant Alzheimer’s disease in a Reelin-COLBOS heterozygous man. Nat Med. 2023 May;29(5):1243-1252. doi: 10.1038/s41591-023-02318-3 

Sepulveda-Falla D, Sanchez JS, Almeida MC, et al. Distinct tau neuropathology and cellular profiles of an APOE3 Christchurch homozygote protected against autosomal dominant Alzheimer’s dementia. Acta Neuropathol. 2022 Sep;144(3):589-601. doi: 10.1007/s00401-022-02467-8.

Formaglio M, Leber I, Wallon D. Génétique de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées : qu’en sait-on en 2022 ? Presse Med Formation. Mar 2022;3(1):41-48.

Reiman EM, Arboleda-Velasquez JF, Quiroz YT, et al; Alzheimer’s Disease Genetics Consortium. Exceptionally low likelihood of Alzheimer’s dementia in APOE2 homozygotes from a 5,000-person neuropathological study. Nat Commun. 2020 Feb 3;11(1):667. doi: 10.1038/s41467-019-14279-8.

Arboleda-Velasquez JF, Lopera F, O’Hare M, et al. Resistance to autosomal dominant Alzheimer’s disease in an APOE3 Christchurch homozygote: a case report. Nat Med. 2019 Nov;25(11):1680-1683. doi: 10.1038/s41591-019-0611-3

Aguirre-Acevedo DC, Lopera F, Henao E, et al. Cognitive Decline in a Colombian Kindred With Autosomal Dominant Alzheimer Disease: A Retrospective Cohort Study. JAMA Neurol. 2016 Apr;73(4):431-8. doi: 10.1001/jamaneurol.2015.4851

Acosta-Baena N, Sepulveda-Falla D, Lopera-Gómez CM, et al. Pre-dementia clinical stages in presenilin 1 E280A familial early-onset Alzheimer’s disease: a retrospective cohort study. Lancet Neurol. 2011 Mar;10(3):213-20. doi: 10.1016/S1474-4422(10)70323-9

Lopera F, Ardilla A, Martínez A, Madrigal L, et al. Clinical features of early-onset Alzheimer disease in a large kindred with an E280A presenilin-1 mutation. JAMA. 1997 Mar 12;277(10):793-9. PMID: 9052708.

Wardell MR, Brennan SO, Janus ED, et al. Apolipoprotein E2-Christchurch (136 Arg—-Ser). New variant of human apolipoprotein E in a patient with type III hyperlipoproteinemia. J Clin Invest. 1987 Aug;80(2):483-90. doi: 10.1172/JCI113096

Une réponse sur “Alzheimer : ces très rares individus colombiens qui font de la résistance à la maladie”

  1. Bravo, encore et toujours, pour cette nouvelle revue de publications récentes. C’est une magnifique synthèse qui donne beaucoup à réfléchir. Elle donne notamment à voir l’inanité, dans les maladies dites neurodégénératives, des approches physiopathologiques simplistes dont on nous abreuve volontiers.

Les commentaires sont fermés.