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Florence : Chloé, dis-nous qui es-tu ?
Chloé : Je m’appelle Chloé, j’ai 23 ans. Après avoir obtenu mon bac SAPAT (Services aux personnes et aux territoires) en 2019, j’ai commencé une première année de licence qui ne correspondait pas à mes attentes. En 2021, je me suis tournée vers un engagement en service civique dans une association culturelle, œuvrant pour l’histoire et l’héritage de l’immigration dans les quartiers populaires Toulousains. Cette expérience a renforcé mon désir d’être une jeune engagée et actrice du changement.
Je me suis passionnée depuis très jeune pour les jeux vidéo, et plus particulièrement, ces dernières années, pour l’eSport, le « sport électronique ». C’est dans cet univers que je trouve une véritable motivation et mon épanouissement personnel. J’aimerais en faire un métier et vivre de ma passion. J’aimerais contribuer à l’évolution et à la croissance de l’eSport, tout en m’améliorant personnellement dans ce sport.
Florence : C’est quoi l’eSport ?
Chloé : Le jeu vidéo n’a jamais été aussi populaire. 73% des français jouent occasionnellement à des jeux vidéo (en 2021). Cela conduit naturellement à une pratique à haut niveau et à la professionnalisation. Cela a donné naissance à l’« ESport ». Avec une croissance exponentielle, l’ESport est devenu un véritable phénomène de société.
Aussi vieille que le jeu vidéo lui-même, c’est en 1972 que la discipline voit le jour avec le premier tournoi de l’histoire se déroulant sur le campus de Stanford sur le jeu Space War. Les compétitions se multiplient au-delà de ce continent et séduisent de nombreux joueurs. L’arrivée d’Internet accélère les succès de l’ESport, mettant fin à la barrière physique : des joueurs du monde entier peuvent à présent se confronter sur leur jeu favori. On peut distinguer plusieurs catégorie de jeux parmi bien d’autres :
– simulant des sports existants comme le football (EAFC), les courses automobiles (forza, grand turismo ou Mario kart) où les joueurs interagissent le plus souvent via des interfaces « classiques » (clavier, joystick…) ;
– simulant des sports existants où les compétiteurs concourent par l’intermédiaire de leurs avatars animés par leur activité physique réelle : courses de vélos (ZWIFT), triathlon (Arena Games) ;
– se déroulant dans un monde imaginaire avec ses propres lois et souvent basés sur des confrontations impliquant des combats (League of Legends, Counter Strike…) ;
– et des jeux très populaires comme les MMO RPG (pour massively multiplayer online role-playing game, en français, jeu de rôle en ligne massivement multijoueur) comme World of Warcraft.
Les plates-formes de diffusion comme Twitch ou YouTube ont marqué un tournant majeur dans l’industrie en permettant des retransmissions en direct, attirant des centaines de milliers de spectateurs en simultané.
Toutes les conditions sont réunies pour susciter l’intérêt des entreprises qui se mettent alors à investir massivement dans le domaine, contribuant à la structuration de l’ESport développant ainsi un solide écosystème financier. Plus globalement, on assiste à l’émergence de vraies communautés avec leurs formations, leurs commentateurs, leur presse spécialisée.
Aujourd’hui, l’industrie de l’ESport a dépassé le milliard de dollars. Les compétitions remplissent des stades, sont suivies par des millions de spectateurs, et offrent des récompenses de millions de dollars aux meilleurs joueurs. Le jeu vidéo n’est plus simplement un loisir, il est devenu une véritable institution mondiale et intergénérationnelle.
Florence : On entend dire que les jeux vidéo sont dangereux. Qu’en penses-tu ?
Chloé : La question de savoir si les jeux vidéo sont dangereux est complexe. Factuellement, ce ne sont pas les jeux vidéo en eux-mêmes qui sont dangereux, mais les dérives qu’une pratique excessive provoque. La dépendance à ces jeux vidéo, la perte d’intérêt pour d’autres activités pouvant conduire à l’isolement social, la dégradation de la qualité du sommeil peuvent conduire à des problèmes de santé mentale. Les experts estiment à environ 5% les cas de problèmes graves et à environ 50% les cas de conséquences affectant le comportement. L’OMS a ajouté en 2019 le « trouble du jeu vidéo » à la classification internationale qui tient lieu de référence internationale [1].
Par ailleurs, on sait aujourd’hui que la relation entre les jeux vidéo et la violence est loin d’être démontrée clairement : la violence ne vient pas des jeux vidéo ; beaucoup d’autres facteurs sociétaux entrent en jeu.
A contrario, une pratique maîtrisée des jeux vidéo peut permettre de créer du lien social, d’améliorer considérablement certaines compétences cognitives, de booster la créativité ou encore d’augmenter sa capacité de prise de décision et de résolution de problèmes. Pour les plus jeunes, le jeu vidéo ludique et éducatif peut être un excellent moyen de combiner divertissement et apprentissage.
Comme n’importe quel centre d’intérêt, il est important d’encourager une pratique saine et équilibrée et d’être sensibilisé aux risques qu’une mauvaise utilisation peut provoquer.
Florence : Quelle est la place des femmes dans le monde des jeux vidéo ?
Chloé : Être une femme dans les jeux vidéo n’a jamais été simple. Pour jouer, j’ai longtemps préféré mentir sur mon genre. Cela me permettait d’éviter les remarques sexistes ou discriminatoires. Le sexisme n’est pas un phénomène propre aux jeux vidéo, mais il est favorisé par l’environnement qui se compose en grande majorité d’hommes. Longtemps socialement adressé à un public masculin, les jeux vidéo s’adressent aujourd’hui à tous et toutes bien que le sexisme perdure. Cachés derrière un pseudo ou un avatar, les joueurs sont d’avantage susceptibles d’exprimer des commentaires ou des opinions les plus malsains.
Pourtant, soyons optimistes ! Le monde du jeu vidéo évolue progressivement vers une meilleure inclusivité. Le nombres de joueuses augmente y compris dans les compétions de tous niveaux. Les représentations féminines dans les jeux augmentent également. Les joueurs sont de plus en plus sensibilisés aux bons comportements à adopter ainsi qu’à l’importance du respect des autres dans un milieu qui se veut être accessible à tous.
Florence : On peut noter l’évolution de la représentation du personnage iconique de Lara Croft depuis 1996, de moins en moins « sexualisée ». Que penses-tu de cette tendance, en général ?
Chloé : Il y a plusieurs raisons à la désexualisation des avatars féminins. En particulier, les avatars féminins ne sont plus simplement créés pour des hommes, puisque les jeux vidéos ne s’adressent plus simplement aux hommes. Et puis, à l’heure de metoo, les éditeurs ne se risqueraient plus à reproduire le modèle morphologique d’avant au regard de l’avancée de la place de la femme dans la société. Il reste cependant encore beaucoup à faire.
Florence : Tu as un projet de vie. Tu peux en parler à binaire ?
Chloé : Mon ambition est de créer une entreprise à Toulouse dédiée à l’univers du jeu vidéo, d’offrir un lieu accueillant aussi bien pour les joueurs solitaires que pour les groupes d’amis. Cet espace multigaming sera équipé de PC performants et de consoles de jeu. Des tournois d’ESport y seront également organisés à destination du grand public comme des professionnels.
Je désire créer un environnement convivial qui sera également destiné à diffuser en direct les compétitions d’ESport et à réunir tous les supporters passionnés de cette discipline.
Les jeux vidéo rassemblent, c’est pourquoi je souhaite également mener des initiatives sociales et solidaires. Cela inclut entre autres la création de rencontres intergénérationnelles, la tenue d’ateliers éducatifs ludiques pour les jeunes ou encore des campagnes de sensibilisation dans les écoles. L’entreprise Ready Toulouse s’engagera à promouvoir une communauté de joueurs engagés et responsables.
Entretien avec Chloé Camou.
Propos recueillis par Florence Sédes, Université Paul Sabatier de Toulouse.
[1] https://www.drogues.gouv.fr/loms-reconnait-officiellement-le-trouble-du-jeu-video-gaming-disorder