Le sexe des data

Une controverse occupe le Web anglophone : le nombre grammatical de data. C’est un détail qui pourrit la vie du chercheur en bases de données que je suis. Dois-je écrire « data is » (au risque de choquer mon vieux prof de latin) ou « data are » (au risque de faire pédant) ? Comme le vieux prof de latin ne lira jamais mes articles, je m’autorise  le singulier. Et bien c’est correct ! Voilà le verdict du Guardian : Data: takes a singular verb (like agenda), though strictly a plural; no one ever uses « agendum » or « datum ». [Data s’accorde avec des verbes au singulier (comme agenda), bien qu’au sens strict, ce soit un mot pluriel; personne ne dit un agendum ou un datum.] Et si cela vous gêne, comme cela m’a gêné, pensez que c’est un nom de masse comme « information ».

Guardian-data-journalism--007 Le workflow des data journalists du Guardian. Photo : Guardian

Une autre controverse sur data fait rage sur la Toile francophone. Cette fois c’est la guerre des genres. Il faut choisir entre :

  • Touche pas ma data !
  • Mets pas ton big data n’importe où !

Data c’est masculin ou féminin ? Le Web propose des millions d’occurrences du féminin et également du masculin.

Au secours ! Tout le monde sait que data c’est anglais et pas français. Nous avons un très joli mot, « données », qui s’utilise au pluriel et au singulier, vous évitant les affres de data. Mais que faut-il faire pour Big data ? Je propose de revenir aux bonnes méthodes d’antan. Vous me recopierez 100 fois pour demain matin  :

  • Pour chaque utilisation en français de data : Une donnée, des données.
  • Pour chaque utilisation en français de big data : Je vais faire tout mon possible pour ne plus utiliser des anglicismes pourris car cela nuit gravement à l’environnement.

Mais il faut traduire big data. Évitez le « Grosse donnée » qui n’est pas très glamour. J’aime bien « Masse de données ». Nous avons essayé « Data masse » à l’académie des sciences en empruntant – j’insiste – au latin. Et on peut juste attendre le prochain mot à la mode ou revenir vers le récent « Fouille de données ».

Serge Abiteboul

Pour en savoir plus

  • sur le nombre de data : Guardian et Webster (lumineux: noun plural but singular or plural in construction, often attributive)
  • sur le big data (oups) : Le Slow blog de Serge

Je vais faire tout mon possible pour ne plus utiliser des anglicismes pourris car cela nuit gravement à l’environnement.

Je vais faire tout mon possible pour ne plus utiliser des anglicismes pourris car cela nuit gravement à l’environnement…

Krim et Poujadas aussi…

Ce billet à pour point de départ deux événements qui mettent le code au devant de la scène.

Tout d’abord, le code est entré au « Journal de 20h » de France 2 le mardi 26 mars, à travers un reportage relatant  le développement de l’apprentissage du code par de jeunes lycéens du Bronx. Cette information, fait suite au propos de B. Obama sur la nécessité d’apprendre à CODER.

Retrouver ce bon reportage dans le journal de 20h de France 2  « Je pense donc je code«  ou comment démocratiser le langage informatique aux USA.

 Le Président de la République, dans son discours lors de sa visite de la Silicon Valley a dit « qu’en France, vous savez les lourdeurs…. » Soit, mais il est important de comprendre (et d’agir en conséquence) que dans le numérique ça va pas vite, sa fonce… donc l’urgence est à l’action!

Le même jour Tariq Krim du CNNum a rendu un superbe rapport sur les codeurs. Son titre: Les développeurs, un atout pour la France.

img_tkrimTariq Krim, Photo : Conseil national du numérique

Ce rapport rappelle les contributions les plus significatives et importantes de français, à l’internet ou à l’iPhone ainsi qu’à de très nombreuses petites start-up américaine qui sont devenues grandes. Il analyse l’absence de start-up disruptive en France au delà des habituelles remarques sur le marché américain, les caractéristiques de la SV ou des VC, en mettant en lumière le rôle joué par le code – en fait la technicité – dans l’écosystème de l’innovation du numérique. Il pointe aussi les travers de nos grands groupes pas toujours innovants, le fait qu’il ne faut pas nécessairement 100 ingénieurs pour faire un logiciel de niveau mondial et que les résultats de Quaero sont toujours attendus…

Comme pour dans  tout bon rapport remis à un Ministre qui se respecte, on trouve aussi des recommandations. Il y a celles qui poussent à faire entrer la technologie dans la démarche IT de nos administrations avec la création d’une feuille de route technologique et la promotion de développeurs avec de hautes responsabilités dans les projets numériques. Pour les développeurs, ce sont des évidences, mais pas pour les promoteurs des projets du moins pas avant  l’échec pour cause de non compréhension des enjeux technologiques du projet !

La première recommandation, me paraît essentielle. Les développeurs sont considérés comme des exécutants, alors que les succès des entreprises passent souvent – même si ce n’est pas suffisant – par l’excellence et la maitrise de la technologie. Il est donc nécessaires de revaloriser dans les entreprises ces fonctions par la reconnaissance des développeurs. Pour progresser dans une entreprise au niveau reconnaissance, salaire et/ou responsabilité, nos ingénieurs ne devraient pas obligatoirement devenir « manager ». Le monde académique a déjà bougé dans cette direction avec la prise en compte dans certains postes de chercheur de la dimension développement. Mais la route est longue. Il reste du chemin à faire là aussi.

La dernière recommandation prône de favoriser l’ouverture de nos frontières aux développeurs des autres pays. Cette mesure est essentielle car elle renforce le tissu technologique de l’écosystème du numérique en France et lui (r)apportera plus que le repli sur soi.

Pierre Paradinas

PS : Le rapport liste les contribution d’une centaine de développeurs. Le nombre de femmes chez les développeurs est vraiment faible.

 

En toute modestie

Le provincial peut s’émerveiller en ce moment devant la fresque qui recouvre l’intégralité de l’interminable corridor qui relie Montparnasse à Bienvenüe. Cette fresque, intitulée le Monde en équation est proposée par le CNRS.

Sur plus de cent mètres les superbes images de synthèse illustrent des textes qui nous expliquent ce que physiciens, chimistes, mathématiciens, biologistes peuvent faire des données, modélisations et simulations numériques.sans_les_mainsL’exposition permet également de noter l’extrême modestie de l’informaticien qui laisse croire aux Parisiens, aux provinciaux et aux touristes que le tout peut se faire sans une science informatique, sans algorithmes, sans analyse des données, sans recherche en image.

Colin de la Higuera

Bravo Leslie Lamport, Prix Turing 2013

Le 18 mars dernier, la société savante ACM a dévoilé le nom du lauréat 2013 du prestigieux prix Turing. Il s’agit du Dr. Leslie Lamport, chercheur à Microsoft Research. Leslie est d’ailleurs membre du laboratoire INRIA-Microsoft situé à Palaiseau. Le prix Turing est souvent considéré comme l’équivalent du prix Nobel pour l’informatique, les Nobel ayant eu le mauvais goût d’oublier l’informatique. Notons que, comme ils ont aussi oublié les mathématiques, nous sommes en très bonne compagnie.

Le père du calcul réparti

De la même façon que l’on peut dire que E.W. Dijkstra est le père de la synchronisation (entres autres), on peut dire que Leslie Lamport est le père du calcul réparti, activité qui, par sa nature même, met en jeu plusieurs machines qui doivent coopérer pour réaliser un but commun.

lesliePage personnelle de Leslie Lamport

Les résultats de Leslie Lamport sont impressionnants. Il a été le premier à poser les problèmes qui fondent le calcul réparti, à en donner les concepts fondamentaux et à proposer les premiers algorithmes qui soient véritablement répartis. On lui doit entre autres le concept d’horloge logique, de sûreté (safety), de vivacité (liveness), de fautes byzantines ou d’atomicité.

Leslie Lamport n’a pas résolu les problèmes qu’il se posait lui-même mais les problèmes qui se posaient dans son domaine de recherche. Alliant de façon remarquable travaux théoriques et applications pratiques, il a notamment créé le langage TLA+ (temporal logic language). Il est aussi le concepteur du logiciel de préparation de documents LaTeX.

Le Prix Turing lui est décerné « for advances in reliability and consistency of computing systems« .

Michel Raynal, Irisa, Institut Universitaire de France, professeur à l’Université de Rennes 1

Pour en savoir plus : Communiqué officiel de l’ACM sur l’attribution du prix Turing 2013 à Leslie Lamport.

L’enseignement ISN en 2013, une preuve que l’informatique se décline aux deux genres

L‘Informatique et science du numérique (connue sous l’abréviation ISN) est ce nouvel enseignement de spécialité de terminale série scientifique qui permet aux jeunes d’apprendre les sciences informatiques, donc de maîtriser le numérique et de découvrir qu’il y a de beaux métiers techniques ou non sur ce secteur économique majeur (ces nouveaux métiers du numérique représenteraient plus de 1 million d’emplois [ref] et environ 25% de notre croissance économique [ref], plusieurs milliers d’emploi restent à pourvoir chaque année [ref]).

Cette spécialité ISN est proposée pour la seconde année grâce à l’investissement parfois héroïque des professeurs qui se sont formés à cette nouvelle discipline (presque uniquement sur leur temps libre) dans le cadre d’une coopération profonde et puissante avec des centres universitaires et de recherche dans chacune des Académies. Parmi les lycéens de terminale, 10 000 élèves en 2012 et presque 15 000 en 2013 ont choisi cet enseignement. Cela semble être un véritable succès. Toutefois, cela est encore considéré comme une « expérimentation ».

Ce succès est à relier à celui d’un concours « libre » (rien à gagner, mais le plaisir de faire un bon score) sur l’informatique organisé par un petit groupe d’informaticiens motivés. Ce n’est pas une compétition « geek », mais un concours ludique, accessible à tous, qui montre comment l’informatique peut être amusante et variée avec la représentation de l’information, la pensée algorithmique, des jeux de logique, … Ce « concours Castor informatique » a intéressé pas moins de 170 000 jeunes cette année et double son public en France chaque année depuis trois ans. Un grand succès et une très belle mixité avec 48% de filles.

Les statistiques de l’enseignement d’Informatique et sciences du numérique pour 2013 montrent elles aussi une progression sensible et un intéressant équilibre des genres :

  • à la rentrée 2012, 10 035 élèves avaient choisi ISN, dont 2 010 filles (soit 20,0 %)
  • à la rentrée 2013, 14 511 élèves ont choisi ISN, dont 4 170 filles (soit 28,7 %)
  • une progression globale de +44,6 % et de +107,5 % pour les filles

Un succès !

Philippe Marquet

Minimalisme numérique

En musique, en architecture un courant minimaliste existe, il influence et structure ces activités… et dans le numérique, qu’en est-il ?

La simplicité – évidente aujourd’hui – des menus à partir de la pomme en haut à gauche de l’écran ou la simple application calculette étaient présents dès 1984 lors de la sortie du Macintosh. Dans la biographie de Steve Jobs, le lien avec les courants minimalistes du Bauhaus ou des maisons californiennes de Eichler est explicitement mentionné.

320px-Eichler_Homes_-_Foster_Residence,_Granada_Hills

On retrouve aussi des recherches et particularités d’informatique minimale, algorithmes simples qui peuvent rimer avec performances ou expressivité minimale de problème complexe via la récursivité…

Les liens hypertextes sont aussi une forme de minimalisme renvoyant sur les informations pertinentes…

Un bouquet d’applications très utilisées aujourd’hui est l’expression d’un minimalisme dans les applications numériques. Ces applications sont paradoxalement minimales.

Il y a celle qui n’échange que 140 caractères, ce qui est moins que le SMS de base en téléphonie mobile de première génération ! Celle qui permet de voir seulement une photo quelques instants – et qui a refusé de tomber dans le giron de Facebook. Celle qui partage des photos entre ami(e)s ou qui généralise les échanges courts de messages (texte, photo, son…) et dont la valeur capitalistique est tout sauf minimale ! Et toutes celles qui permettent d’échanger un logement, prêter sa voiture…

320px-WhatsApp_logo.svg

Leurs interfaces et fonctions sont simples. On ne parle pas ici de l’infrastructure de mise en œuvre, qui peut être complexe, ni des données d’usage connectées, mais de leur proposition fonctionnelle. Où est la valeur ? Elle est dans la simplicité/force du service ou dans la base d’utilisateurs qui se comptent pour Whatapps par exemple en centaines de millions d’utilisateurs référencés.

Quelle est la prochaine idée simple qui fera fureur ? Celle que tout le monde voudra et aura. Qui sera l’acteur, acheteur pour ne pas être dépassé par un concurrent et conforter sa base d’utilisateurs…

Le coin des curieux : pour remonter à une des sources de la musique minimale, il faut écouter Moondog, à la radio ou dans un disque hommage  chez TraceLabel.

Par Pierre Paradinas

 

Simplon de Montreuil

Par Sophie Pene, Lea Douhard et Serge Abiteboul.

Une petite rue tranquille de Montreuil. Nous poussons la grille. Une belle demeure. Et au fond du jardin un ancien atelier et ses verrières : le petit monde de Simplon.co Accueil chaleureux, des dattes, du café.

photo1Photo Lea Douhard

Simplon.co est une SAS (entreprise sociale et solidaire) dédiée à l’enseignement de l’informatique pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’y avoir accès. Erwan, qui nous reçoit, explique dans le désordre leurs élèves du 93, les femmes, les séniors, les handicapés. On cherche l’erreur. On ne trouve pas. Ah oui ! 30 élèves seulement. Une goutte d’eau dans l’océan d’ignorance de l’informatique, dans la masse de ceux qui voudraient mais ne peuvent pas l’apprendre.

Les élèves ont été soigneusement sélectionnés : motivation, potentiel, créativité, projet, goût pour le social et la solidarité. Ils sont plutôt atypiques, une minorité n’a pas le bac. Ils ont entre 18 et 52 ans ; ils ont tous énormément envie d’apprendre.

photo2Erwan Kezzar, cofondateur, Photo iledefrance.fr

Pendant toute notre visite, nous observerons des élèves studieux, souriants, dans une atmosphère détendue, conviviale. Il faut dire que cela ne ressemble guère à une salle d’étude. Des coussins, des fauteuils, de petits coins personnels où se loger avec son ordinateur sur les genoux, et se sentir chez soi. Ils sont sympas les élèves de Simplon.co ! Et ça bosse.

Nous sommes ici à mille lieux d’un enseignement de masse comme celui de 42. Le but n’est pas de former les bataillons d’informaticiens dont notre société a tellement besoin. Il s’agit plus modestement d’aider quelques-uns, qui en ont besoin. Trois exemples pour illustrer.

Lavanya Ramapathiran qui n’avait jamais écrit une ligne de code en arrivant est en train de mettre en place un site Web pour que des mères isolées puisse s’entraider, se garder les enfants. Nous sommes dans l’échange de service de proximité. Elle écrit un petit logiciel qui peut rendre de grands services.

Audray Sovignet vient de gagner un concours de biilink avec 25 000 € à la clé. Son projet, « I wheel share » est une plateforme qui recense les témoignages de personnes en situation de handicap moteur. Il s’agit d’éveiller les consciences et de constituer un réel état des lieux de leur quotidien.

Aladine Zaiane lui adresse un problème banal au HLM des Beaudottes, un bureau des plaintes débordé, des locateurs excédés. Un service Web va aider à résoudre le problème. L’organisme de HLM est intéressé. Il va acheter et équiper toutes ces agences. Aladine connaît les assocations de son quartier, leurs besoins ; il a mille idées pour améliorer la vie.

Ce sont peut-être des business models, ou pas ; en tous cas, ce sont des réponses à de vrais besoins, pour des demandes qu’on ne peut capter qu’en vivant là. C’est une force de Simplon.co : jouer la formation ancrée dans un territoire, apprendre en contexte, faire des projets intuitifs. Cette «  informatique en société », qui devrait donner un certain style à la pratique. On a lu des récits comparables sur des actions à Johannesburg ou Bombay : former des informaticiens en les immergeant dans des communautés locales, pour une informatique  de lutte et de progrès.

photo3Photo Serge Abiteboul

La formation est gratuite – traduire la bande de Simplon.co rame pour trouver de l’argent.  Il faut aussi aider les élèves qui en ont besoin à trouver du financement. Simplon.co intéresse des mécènes comme Orange ou SAP, et va avoir le soutien d’un fond d’investissement solidaire.

Mais qu’apprend-on à Simplon.co ? A programmer avec 6 mois de cours intensifs. L’objectif est modeste, « seulement la programmation », mais sérieux : à l’arrivée l’élève doit être autonome, prêt à l’embauche comme programmeur Web. Ensuite, quand Erwan détaille, les références à la création de startups sont nombreuses. L’ambition n’est pas si modeste que ça : les élèves vont apprendre à devenir des entrepreneurs du numérique.

Dans un premier temps, ils apprennent à programmer avec (vaguement) des cours et des exercices le matin et du travail en projet par binôme l’après-midi. Les trois derniers mois, ils sont à fond sur leurs projets personnels. C’est finalement relativement classique malgré les références à Jacotot. L’inspiration, c’est beaucoup Dev Bootcamp ; comme eux, ils ont choisi de démarrer par Ruby on Rails. Contrairement à 42 visité récemment, l’encadrement semble très impliqué, très présent (5 enseignants pour 30 élèves, le ration est sérieux). La personnalisation est poussée à outrance.

On ne peut pas parler de « modèle Simplon.co » car tout paraît très lié au caractère, au charisme des fondateurs, et à leurs convictions. Eux-mêmes ont bâti leur activité sur l’idée qu’ils pouvaient concilier une vie dans le web et une vie d’entrepreneurs sociaux. On pense plutôt à un « style Simplon.co ». D’ailleurs, ils essaiment.

Ils sont cofondateurs d’un Simplon.co en Roumanie dans un cadre très différent. Ils hébergent Les Compagnons du DEV qui s’attaque à « réduire de la fracture numérique ». (Cela nous ramène à un rapport sur l’inclusion numérique du Conseil national du CNNUM). Par exemple, tous les samedis, ces compagnons de route de Simplon.co enseignent l’informatique à des enfants entre 8 et 14 ans. Avec de telles initiatives, cet enseignement n’est plus réservé aux enfants de familles favorisées.

Un autre projet de Simplon.co, à Villeneuve-la-Garenne.  Avec une association locale, Le Pôle Solidaire, un élève de la promo actuelle de Simplon.co enseigne l’informatique quatre jours par semaine (Le dernier jour, il étudie à Montreuil). Rodolphe Duterval encadre un groupe de 15 élèves  « des quartiers », entre 20 et 25 ans, quasi tous décrocheurs, souvent en galère. On hallucine. Des élèves difficiles sont confiés à un autre élève qui en sait à peine plus qu’eux. Erwan rassure : « Rodolphe savait déjà quelques trucs avant d’arriver ; ça se passe très bien ; il sait leur parler. » Là, finalement, nous retrouvons peut-être Jacotot.

Mais pour le moment les essaimages sont stoppés. Simplon.co creuse le sillon de Montreuil et attend les premiers résultats de cette greffe. La première promo se finira avant l’été. Comment les élèves prendront-ils leur envol ? Simplon.co, c’est un do tank. On apprend en faisant, en collectif, élèves comme formateurs. D’où toutes les expérimentations en série. Un hackathon pour l’open data « culture » cet automne, une chabadabada week la semaine du 8 mars sur ‘techno et parité’. Simplon.co encore à SilentChange le 19 mars, le 31 mars à la nuit du numérique de Paris Descartes, et le 2 avril à Decode le Code avec cap Digital. Simplon.co n’arrête jamais de parler programmation, d’en faire faire et de faire que chacun change son monde grâce ça.

Ainsi se termine notre visite chez Simplon.co. Nous voudrions y retourner pour avoir plus de temps pour parler avec des élèves. Nous arrivions avec un préjugé très positif. Le buzz était fort. Nous ne sommes pas bien certain d’avoir compris pourquoi ça marche, ce qui était généralisable. Mais, bonne chance Simplon.co et que des tas de projets du même esprit fleurissent.

Serge Abiteboul et Sophie Pène

photo4Photo Lea Douhard

Enseigner la science informatique à l’école ?

EcoleMercredi 12 mars, jour des enfants, l’émission Rue des Écoles sur France Culture avait pour thème un sujet qui fait beaucoup débat en cette année 2014 : l’enseignement de la science informatique à l’école.

A cette occasion, 3 invités dont deux qui sont des habitués de binaire sont intervenus ; Gérard Berry, Professeur au Collège de France et Claude Terosier, ingénieure, co-fondatrice de « Magic Makers« . Le troisième, que vous découvrirez bientôt sur binaire, est David Roche, professeur d’Informatique et Science du Numérique à Bonneville.

Écouter l’émission

M-A Enard

Les informaticiens et l’éthique du numérique

Sans titreCouverture de The Economist, Décembre 2009.
Lucas Cranach, Adam and Eve, 1526,
Courtauld Institute of Art Gallery.

Que deviendra la notion de vie privée dans notre société numérique ? L’hyper-mnésie et l’hyper-connectivité du net sont-elles des facteurs d’asservissement ou de libération de l’homme ? Quelle sera notre responsabilité vis-à-vis de robots commandés par la pensée, quelle sera notre cohabitation avec les robots ? Construire des robots ressemblant à l’homme est-il tabou ? Faut-il souhaiter ou redouter le transhumain, cet hypothétique homme augmenté de capacités intellectuelles et physiques jusqu’à prendre notre relai dans l’évolution ? Peut-on sans précautions utiliser des données personnelles, génétiques ou comportementales, à des fins de recherches ?

Cet échantillon d’interrogations – dont certaines relèvent encore de la fiction – illustre l’ampleur et la diversité des questions éthiques que pose l’explosion du numérique.

Il serait présomptueux de vouloir traiter ici ces questions, d’autant que l’on ne peut pas en débattre entre informaticiens seulement; le propos est plutôt d’esquisser comment le monde scientifique les aborde actuellement. L’accent est mis sur la nécessaire approche décloisonnée des questions éthiques, et la nécessaire inscription de celles-ci dans l’espace public au delà des seuls spécialistes.

Ethique et déontologie

En gros l’éthique – qu’elle soit générale ou appliquée à un domaine – relève d’abord de la philosophie et l’humain est en son centre. L’éthique se définit classiquement comme la science de la morale.

La déontologie, qui n’est pas notre sujet ici, définit de manière plus opérationnelle les pratiques d’une profession, en accord avec l’éthique et le droit. La plus connue est la déontologie médicale. En informatique, le CIGREF (grandes entreprises utilisatrices) et le Syntec (SSI) ont défini leur code de déontologie. La déontologie engage comme le serment d’Hippocrate. L’ANR, agence nationale de projets scientifiques, affiche pour sa part une charte qui énumère les éléments suivants : Développer une recherche sérieuse et fiable ; Honnêteté dans la communication ; Objectivité ; Impartialité et indépendance ; Ouverture et accessibilité ; Devoir de précaution ; Equité dans la fourniture de références et de crédits ; Responsabilité vis-à-vis des scientifiques et des chercheurs à venir. Dans le monde anglo-saxon, on parle plus volontiers d’intégrité (integrity) qui met l’accent sur la responsabilité individuelle de comportement. Le comité d’éthique du CNRS (Comets) vient dans cet esprit d’éditer un guide pour promouvoir une recherche intégre et responsable.

Une approche scientifique nécessairement ouverte

Partout les réflexions éthiques mobilisent le regard croisé des philosophes, historiens, sociologues, juristes voire économistes. On peut même dire qu’ « élargir ses horizons » est inhérent à la démarche éthique, car on ne peut en général pas isoler les réflexions sur une science ou une technologie. Par exemple, en informatique, les considérations sur le Big Data ou sur l’anonymat ne peuvent être considérées que dans le contexte sociétal.

Des sujets incontournables

Dans le but louable de financer équitablement les cultes, les Pays-Bas avaient mis en cartes perforées IBM les données confessionnelles de leur population dès les années trente, ce qui servit en 1940 les funestes desseins des envahisseurs nazis. Notons que ce pays intègre maintenant tout particulièrement la préoccupation éthique dans ses programmes scientifiques.Certes, on ne peut pas incriminer les seules technologies, la délation par la peur et l’oppression est arrivée ailleurs au même résultat avec du papier et des crayons seulement. Il reste qu’au-delà des controverses, on voit que l’on peut difficilement se laver les mains de tels sujets : in fine, il s’agit des rapports entre la démocratie et les totalitarismes, et de l’avenir de notre monde.

Depuis le procès des médecins de Nuremberg, et maintenant avec les possibilités ouvertes par la biologie et la médécine, la bioéthique occupe le devant de la scène en éthique appliquée. Cependant les débats éthiques s’élargissent, et la sécurité alimentaire, l’environnement et le numérique suscitent à leur tour des questionnements. Ainsi au niveau européen le réputé appel à projets individuels de l’European Research Council (ERC) compte 105 occurrences de “ethic(s)”! De plus, les candidats doivent remplir un questionnaire éthique de 26 items, dont une douzaine est susceptible de concerner le numérique, notamment à travers l’usage de données personnelles (dont génétiques ou biométriques), les neurosciences, les technologies pour la santé, l’usage militaire ou encore la vie privée (la surveillance et maintenant la sousveillance, qui consiste en la possibilité pour chacun de mettre instantanément sur le net tout ce qu’il perçoit ou que son smartphone capte des personnes qu’il croise).

Des perceptions variables de par le monde

Une vision de l’homme inspirée des religions révélées, celles des fils d’Abraham, peut percevoir le transhumanisme comme une transgression. Un asiatique influencé par le shintoïsme peut par contre concevoir l’homme comme participant à un tout dans un continuum entre la vie, la nature et l’artéfact, et ne manifester de ce fait aucune appréhension à l’égard des humanoïdes. Dans nos sociétés, la confiance en la science comme vecteur de progrès s’effrite parfois face à l’ambivalence des technologies qui envahissent notre quotidien. Ainsi on peut voir dans les technologies numériques un facilitateur d’épanouissement et de démocratie, ou à l’opposé un instrument mu par le profit qui accroit les inégalités entre les hommes. Les compromis entre respect de la vie privée et sécurité sont perçus différemment selon les continents ou les aspirations politiques… Plus généralement, une étude norvégienne de 2010 (ROSE the Relevance Of Science Education) portant sur 34 pays représentatifs de la diversité de la planète met en évidence de grandes diversités de perception des sciences et des technologies selon les continents, les cultures, la richesse par habitant ou encore le genre. Un maillage sans frontières des réflexions est donc nécessaire afin d’avoir pleinement conscience de la relativité des préconisations que l’on peut formuler à l’attention d’une nation ou d’une communauté – ainsi en Californie les journaux parlent le plus souvent de l’informatique pour souligner de nouveaux systèmes, des réussites, alors qu’en France on va insister sur les risques de pédophilies.

Un enjeu de démocratie

Les débats d’éthique ne doivent pas être confisqués par les scientifiques, sous peine d’un divorce entre les « savants » et la société – comme le dit joliment Jean-Claude Ameisen, président du Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), les chercheurs ne doivent pas se percevoir comme des bergers conduisant un troupeau, mais comme des moutons parmi les autres. Imaginons par exemple que les seuls informaticiens se piquent de dire ce qui est éthique ou ne l’est pas dans le Big Data, ils seraient soupçonnés de vouloir s’ériger en « grands prêtres » du traitement de l’information.

Si la pensée d’Hannah Arendt est abondamment revisitée actuellement, c’est qu’elle fournit un socle étonnamment d’actualité pour aborder ces questions. Très sommairement, l’idée est que les technosciences – omniprésentes dans notre quotidien, et au cœur desquelles figure le numérique – peuvent devenir outils d’un totalitarisme confisquant l’avenir des hommes, si ceux-ci ne développent pas à leur égard une pensée critique organisée à travers des espaces publics. Autrement dit, si les peuples acceptent que les technologies soient des outils que la propagande leur dit bienfaiteurs mais qu’ils ne questionnent pas, ces technologies peuvent menacer la démocratie. Un exemple souvent cité de cette propagande est le rapport NSF de 2006 au titre évocateur « Converging Technologies for Improving Human Performance : Nanotechnology, Biotechnology, Information Technology and Cognitive Science », popularisé sous le nom de convergence NBIC. Il est donc du devoir des démocraties d’organiser les espaces publics de débats sur ces sujets, et du devoir des citoyens d’y apporter une attention conjointe soutenue. En France, à titre d’exemples, la fondation Sciences Citoyennes, ou en informatique la Fondation Internet Nouvelle Génération (la FING) y œuvrent.

Un paysage en construction

Face à ces enjeux les initiatives se multiplient, principalement sous l’impulsion des Etats-Unis d’une part et de l’Europe d’autre part. Sur le plan scientifique, la bioéthique naturellement, mais aussi l’environnement et la sécurité alimentaire provoquent des débats de société, davantage encore que le numérique, car ces secteurs sont perçus comme conditionnant de manière intrusive le devenir biologique de notre espèce.

Les comités d’éthique scientifique

Ce sont généralement des instances consultatives, indépendantes, que l’on peut saisir ou qui s’autosaisissent de sujets éthiques, et qui fournissent des préconisations. Ils ont un rôle de réflexion et sensibilisation amont.

En Europe, l’European Group of Ethics (EGE) joue ce rôle sur tout le spectre scientifique. La Commission Européenne est certes prolixe en tous domaines, mais on soulignera quand même l’abondance de la documentation sur l’éthique en général, et sur le numérique en particulier. Cette abondance semble viser davantage la sensibilisation des chercheurs que la construction d’une vision proprement européenne.

En France, le plus ancien et le plus en vue est le CCNE déjà évoqué, créé en 1983 à l’initiative de François Mitterrand. Ce comité est placé auprès du Premier ministre, et sa composition garantit la représentation des grands courants philosophiques et religieux. Le CNRS dispose pour sa part depuis 1994 du COMETS. L’INRA et le CIRAD ont fusionné leurs comités.

Concernant l’informatique, la CERNA (Commission de réflexion sur l’Ethique de la Recherche en sciences et technologies du Numérique d’Allistene) a été créée fin 2012 sous l’impulsion d’Inria et du CNRS par Allistene, l’alliance des sciences et technologies du numérique qui réunit le CEA, la CGE, le CNRS, la CPU, Inria et l’Institut Mines-Télécom. Le point de vue y est celui de la recherche et non des usages.

Il s’ajoute bien entendu au paysage des groupes de travail qui émergent à l’initiative d’établissements ou de groupes d’établissements, comme par exemple le groupe Prométhos en éthique de l’innovation sur le plateau de Saclay.

Les comités opérationnels d’établissement

Ils traitent les questions engageant leur responsabilité à travers des projets ou la déontologie des personnels.

Les instances de validation et certification (respect de normes éthiques)

De plus en plus d’institutions demandent une certification de conformité éthique des projets de
recherche attestée par un Institutional Review Board (IRB), notamment pour les recherches impliquant l’homme.

Les espaces de débat public

La France dispose depuis 1995 d’une Commission nationale du débat public (CNDP), créée dans le cadre de la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite loi Barnier. Cette commission, aux consultations fort diverses, a notamment (mal)traité des nanotechnologies en 2010.

A un niveau intermédiaire entre le débat public et le cénacle de spécialistes, on peut citer les espaces éthiques régionaux qui se mettent en place à l’initiative du CCNE. Centrés sur la pratique hospitalière, ils associent des représentants des usagers.

Notons aussi que face au trouble suscité par la biologie de synthèse, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a confié en 2012 au CNAM la création d’un observatoire de la biologie de synthèse, chargé d’informer le grand public et d’échanger avec lui.

Les conférences et symposiums scientifiques

Il est naturel que des manifestations scientifiques accompagnent la montée des préoccupations éthiques, dans le numérique comme ailleurs. Ainsi l’IEEE, maintenant association internationale des professionnels du secteur numérique et dont les racines remontent à 1884 et l’avènement de la fée électricité, lance l’année prochaine un symposium sur l’éthique appelé à devenir annuel.

Deux conférences internationales de recherche sont consacrées depuis une vingtaine d’années aux différents aspects éthiques liés à l’informatique, CEPE et ETHICOMP. A l’initiative de la CERNA, elles se tiendront cette année conjointement et pour la première fois en France.

D’une manière générale, les Français sont peu présents dans ce genre de manifestation. Ainsi, lors de la 3rd World Conference on Research Integrity (WCRI) qui s’est tenue en 2013 à Montreal, il n’y avait que 4 français sur 500 participants. Ce manque d’appétence de notre monde académique est peut-être dû à la faible reconnaissance dans notre pays des investissements dans les questions éthiques et plus généralement les questions interdisciplinaires. Peut-être aussi que, le regard fixé dans le rétroviseur sur notre rôle phare du temps des Lumières, nous percevons avec circonspections les nouveaux espaces éthiques qu’ouvrent les technosciences. Nuançant ce dernier propos, de nouveaux lieux de réflexions émergent dans notre pays, notamment au sein d’associations comme la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération), Renaissance numérique, la Quadrature du net. Par ailleurs, l’AFIA (Association Française d’Intelligence Artificielle) a consacré un récent bulletin à un « Dossier Ethique et IA », et la SIF a reproduit une première version du présent propos dès le numéro deux de son bulletin intitulé 1024.

___________________________

En conclusion, il importe que les scientifiques contribuent aux débats sur l’éthique des nouvelles technologies, et du numérique en particulier, faute de quoi les espaces laissés en friches pourraient être investis par des obscurantistes ou des aventuriers. Nous devons aussi veiller dans notre pays à dépasser nos vieilles habitudes de « s’affronter d’abord, débattre ensuite », car aborder les sujets éthiques en termes de pro- versus anti-technologies nous ferait passer tragiquement à côté du sujet. Et pour cela sensibilisons, informons, formons à commencer par la jeunesse.

Max Dauchet, Conseil scientifique de la SIF

Informatique [nom féminin]

Septembre 2013.  Superbe cru. 2 nouvelles doctorantes (indiennes) sur les 6 nouveaux. Si je me réjouis de compter désormais 2 femmes sur la douzaine d’étudiants en thèse de mon équipe, je suis navrée de constater cette bien faible diversité dans la discipline, largement sinistrée du point de vue de la parité. Et de plus en plus. Aux États-Unis, la proportion d’étudiantes dans les cursus d’informatique de l’enseignement supérieur était de 37% en 1984 (effet  lune de miel, propre à l’introduction d’une nouvelle discipline) pour diminuer,  lentement mais surement,  à 29% en 1989, 26% en 1997, et osciller aujourd’hui autour des 10%.

Pourquoi si peu de femmes en informatique  et surtout que faire pour inverser la tendance ? Pourquoi une science si jeune, si dynamique, qui offre une telle diversité de carrières, est-elle à ce point boudée par les jeunes filles ? Quelle est donc cette incompatibilité entre l’informatique et les femmes ? Pourquoi observe-t-on une dégradation de la situation ? Comment faire pour venir à bout des clichés ? Il y a manifestement un terrible malentendu qu’il convient de dissiper avant qu’il ne soit trop tard. En cette veille de la journée internationale des droits de la femme,  penchons-nous sur ce désamour des jeunes filles pour l’informatique, alors que nous savons tous que notre science n’a pas de sexe.

Avant de stigmatiser l’informatique, il convient de rappeler qu’elle subit le même sort que la plupart des sciences « dures »  comme la physique ou les mathématiques, causé par des stéréotypes tenaces de la société à l’égard de ces sciences, même si la chimie et la biologie ont à la faveur de je ne sais quel miracle opéré le tournant de la féminisation. Comme si disséquer une grenouille était plus gracieux que  résoudre une équation. Aucune de ces activités n’est  féminine, ni masculine du reste, n’en déplaise à ceux qui ont récemment déclaré la guerre aux velléités des institutions d’œuvrer pour l’égalité à l’école.

Il est évident que lorsque les étudiants arrivent dans le supérieur, il est déjà bien trop tard. Les connexions se sont déjà opérées différemment dans ces petits cerveaux des années auparavant.  J’aime pourtant à penser que les nouvelles générations seront épargnées. Comment féminiser notre discipline en attendant de les voir débarquer dans le supérieur ?

Si les clichés regorgent dans la société sur le fait que certains métiers sont typiquement masculins, le cas de l’informatique est aggravé par quelques idées reçues qu’il convient d’éclairer :

Idée reçue  n°1 : L’informaticien  est un geek.  Enlisé dans ses lignes de code, négligé et asocial. Nous avons suffisamment de modèles féminins et masculins pour démontrer l’éclectisme et l’ouverture d’esprit des informaticien(ne)s. Ada Lovelace, considérée comme le « premier programmeur » et Grace Hopper, pionnière de la compilation, n’ont rien de geeks ; Alan Turing le père de l’informatique, s’habillait très correctement et s’intéressait autant à l’évolution qu’à la cryptographie ; Melissa Mayer dirigeait l’équipe de Search de Google avant d’être à la tête de Yahoo et on l’accuse à l’envi d’être trop sexy (faut savoir) ; Zuckerberg sous ses airs de gamin est un redoutable homme d’affaire.

Idée reçue n°2 : L‘informaticien code toute la journée, rivé à un écran austère, au fin fond d’un sous-sol. Les  Facebook, Google et autres monstres de l’informatique sont des environnements plus jeunes, vivants et colorés les uns que les autres. Certes on écrit des programmes quand on fait de l’informatique, mais on conçoit  également les algorithmes de demain, en équipe, on les prouve, on traite l’information, de l’ADN aux posts des réseaux sociaux, on analyse les comportements des internautes, on interagit avec de nombreuses autres disciplines comme la biologie, la médecine, la finance. Il arrive même que l’on n’ait pas besoin de machine.  Et si on passe du temps devant un ordinateur, dans beaucoup d’autres métiers, ça n’a l’air de gêner personne.
Idée reçue n°3 : Le monde de l’informatique est sexiste. Certes l’informatique est largement dominée par les hommes (et de plus en plus car si les femmes boudent ces filières, les hommes s’y dirigent de plus en plus) mais c’est une discipline bien trop jeune pour être trop sexiste, loin par exemple du mandarinat qui sévit dans d’autres, qui pourtant attirent les femmes. À mon humble niveau, je n’ai observé dans les laboratoires néerlandais, anglais ou français que j’ai fréquentés, aucun machisme ambiant et jamais ma carrière, à l’instar de celles de beaucoup de mes collègues,  n’a été freinée par le fait d’être une femme.

Idée reçue n°4 : Il faut faire des études d’ingénieur pour faire de l’informatique et c’est un métier de garçon. Nous y voilà, précisément là où le bât vraiment blesse. Certes, les cursus d’ingénieurs mènent à l’informatique,  mais on peut y arriver aussi par des études de mathématiques ou d’informatique à l’université. Il y a bien longtemps qu’on sait que les cerveaux féminins n’ont rien à envier à leurs alter-egos masculins, pour réussir à l’école, y compris dans les disciplines scientifiques.  On connaît les travers sociétaux qui  jouent sur les différences, elles sont là ne nous méprenons pas, pour formater l’esprit des jeunes. L’informatique n’a malheureusement pas le monopole de cette barrière sociétale. Faisons confiance aux filles, apprenons leur à se faire confiance. Un article récent paru dans Science et Avenir (30/01/2014),  fait état de  « la menace du stéréotype » : un chercheur de l’Université d’Arizona a fait passer un examen de mathématiques à deux groupes comptant autant d’hommes que de femmes : le premier groupe a été informé que le succès dépendait généralement du sexe (au sens où les hommes réussissaient mieux, pour cette expérience), au deuxième groupe on a expliqué que les résultats étaient généralement indépendants du sexe. Les résultats des filles du premier groupe étaient catastrophiques, équivalents à ceux des garçons dans le deuxième groupe. Les garçons, eux ont mieux réussi dans le premier groupe (il est probable que des préjugés inversés auraient eu un effet, inverse, mais les stéréotypes ambiants au sujet des sciences sont bien ceux-là). L’étude conclue que le «  stéréotype avait un effet dévastateur chez les filles et stimulant chez les garçons. » La route est longue !

Idée reçue n°5 : L’informatique, comme les jeux vidéos, c’est pour les garçons.  Les jeux vidéos ne sont plus l’apanage des garçons, et quand bien même, il n’a jamais été démontré de corrélation entre les aptitudes aux jeux vidéos et en informatique. Et puis,  l’informatique c’est pour les jeunes bien d’autres choses que les jeux vidéos. C’est aussi les réseaux sociaux où les statistiques montrent une dominance de l’activité des jeunes filles d’ailleurs, les moteurs de recherche, les applications mobiles, le graphisme, etc. Et là de me révolter contre les photos d’un catalogue proposant des séjours thématiques aux enfants et adolescents qui montrent exclusivement des garçons pour les différents stages d’informatique. Je vous laisse deviner de quel sexe est l’ado  sur la  photo du stage de danse de l’été 2014.

Et j’en passe. Tout ceci est d’autant plus frustrant que l’informatique est une science jeune qui ne devrait pas faire l’objet de préjugés de temps plus anciens. Dans l’imaginaire collectif cela reste une science d’hommes – on a même parfois du mal à la faire accepter comme une science d’ailleurs, en France, peut-être parce que certains rayons de supermarchés sont intitulés « informatique ». Si on trouvait à l’hypermarché du coin un rayon science physique, cela affecterait peut-être un peu le prestige d’Einstein. Faire intégrer que l’informatique,  théorique où pratique, peut épanouir aussi  les femmes reste un défi.   Il faut des modèles, des actions, relooker la discipline,  la démystifier.

Les statistiques  sont formelles et confirment que cette tendance s’aggrave dans toutes les universités du monde occidental. Aussi soucieuses de la parité qu’elles soient, les institutions académiques ne peuvent que constater que les candidates manquent cruellement.  On le note assez clairement dans les jurys de recrutement ou sur les bancs des cours de master. Par exemple en France, la proportion du nombre de femmes diplômées des écoles d’ingénieur est passée de 5% à plus de 25% de 1975 à 2000, elle continue de diminuer en informatique, après un pic à  près de 20% dans les années 80, elle est repassée à 10% (source : ticetsociété.revues.org, 5(11)). La position particulière de l’informatique dans les cursus d’enseignement supérieur et plus encore secondaire, où l’informatique n’est enseignée que très tardivement, n’y est probablement pas étrangère. L’introduction de l’enseignement dans le secondaire  est un excellent début. Il faudra cependant plusieurs années pour récolter les fruits de ces réformes dans le supérieur.

Et ailleurs ? Si  l’Europe (la France est du reste mieux placée que la Suisse ou la Belgique) et l’Amérique du Nord subissent le même sort, étonnement la situation est très différente dans un certain nombre de pays : à Singapour les femmes sont majoritaires, en Europe de l’Est et au Maghreb, la parité est beaucoup plus respectée. Alors même que certains de ces pays affichent souvent des inégalités entre hommes et femmes, y compris dans la loi. Un peu comme si lorsque nécessité fait loi, on est moins enclin à chipoter sur le genre des disciplines : quand ce qui importe vraiment est de faire des études supérieures et  de se former,  on ne s’offre pas le luxe de savoir si notre cursus a l’air assez  féminin.

La prise de conscience est générale et de nombreux programmes existent dans le monde pour encourager les femmes à faire de l’informatique.  Les universités américaines en particulier se penchent régulièrement sur le problème. Par exemple, en 1995, CMU  (Carnegie Melon University)  a augmenté la proportion de femmes de 7% à 42% en prenant des mesures particulières de sensibilisation, en changement l’image de l’informatique, en faisant des campagnes agressives de recrutement et en se penchant sérieusement sur les éléments qui rebutaient les femmes à s’engager dans cette voie (collaboration avec des sociologues, interviews d’étudiants,…). Il en résulte un groupe particulièrement actif de  femme en informatique à CMU (women@scs).
La bonne nouvelle idée est peut-être celle  de l’une des plus progressistes et prestigieuses universités américaines, Berkeley, celle  de  réinventer les cours d’informatique. A Berkeley, le nouveau cours d’informatique s’appelle Beauty and Joy of Computing, qu’importe cet intitulé peut-être exagérément glamour, l’effet est là et au fond c’est ce qui importe, en attendant de vivre dans une société qui arrête de modeler différemment nos petits en fonction de leur sexe. Cette classe de Berkeley compte 106 femmes et 104 hommes.  C’est donc possible, en 2014. La clé du succès de cette classe a été de moderniser le style des cours, de revisiter la manière d’enseigner l’informatique, au delà de la programmation, de se pencher sur l’impact et la pertinence de l’informatique dans la société, de commencer chaque cours en discutant un article récent lié à la technologie, etc. Alors même que le but n’était pas d’attirer uniquement les femmes, chaque élément qui aurait pu les dissuader a été soigneusement évité. Et c’est un succès.

Tentons nous aussi le revirement, expliquons que faire de l’informatique ne sous entend pas  pondre du code à longueur de journées, isolé avec un PC, en Tee-shirt délavé, faisons visiter nos labos, expliquons les algorithmes et leur importance  dans  les écoles primaires. Profitons de la  dynamique de l’informatique, de sa constante évolution,  de son ubiquité dans la société, des défis majeurs qui ne cessent de s’offrir à notre discipline, pour faire évoluer son image. Là où les jeux vidéos, les jeux en ligne où les téléchargements en pair à pair attiraient en majorité les garçons qui monopolisaient les ordinateurs familiaux, l’usage de l’ordinateur aujourd’hui est désormais pour une bonne part consacrée à une utilisation sociale et culturelle du Web, garçons et filles se disputent désormais le portable de Maman. Nous sommes à un tournant de l’informatique, à l’ère des réseaux sociaux, du Big Data, de la bio-informatique massive. Surfons (agressivement) sur cette réelle opportunité de changer l’image de l’informatique auprès des plus jeunes, de faire évoluer nos cours et séduire garçons et filles.

Enfin, soyons pragmatiques, l’informatique est tellement transversale, qu’elle est probablement l’une des disciplines les plus prometteuses en terme d’emploi, nos jeunes filles ne peuvent s’offrir le luxe de laisser les hommes seuls occuper ce terrain !

Anne-Marie Kermarrec, Directeure de recherche Inria

 

HTML et les MST

27% des américains pensent qu’un Gigabyte est un insecte.
23% que MP3 est un robot de starwars.

11% que HTML est une maladie sexuellement transmissive.

Pour ce dernier cas, ils n’ont pas peut-être pas totalement tort. Combien de personnes se sont mises à HTML pour impressionner un partenaire ? Combien d’autres ont appris HTML « sur l’oreiller » ? Qui sait ?

Et qui dit MST dit prévention. Pour prévenir les entorses au standard: http://validator.w3.org

Évidemment, ce sont les États-Unis. La France, avec son enseignement de l’informatique que le monde nous envie, est à l’abri d’un tel ridicule. Non?

Serge Abiteboul

Source: LA Times via GB.

La physicienne et la prof d’informatique

Elle ne s’appelle pas Christelle ou Estinna, mais elle enseigne réellement au lycée de G. C’est bien une histoire vraie.

Son métier ? Professeure de physique-chimie. À là la ! La physique-chimie. Non mais pourquoi embêter des jeunes qui vont devenir avocat, journaliste ou vedette d’une émission de télé-réalité avec de la physique-chimie ?

Il se trouve qu’au XXe siècle à l’ère industrielle, tout le monde, même nos grands mères ou notre plombier, a appris une science «tout à fait inutile» pour eux mais complètement indispensable pour leur permettre de comprendre, s’approprier, adapter ou créer les nouveaux objets que l’ère industrielle engendrait. Elles et ils ont appris de la physique-chimie. Et la France est devenue une nation industrielle dont aéronautique, les transports, … sont en bonne place sur la scène internationale, car tous les métiers ont comme compétence marginale des notions de physique-chimie.

Oui mais concrètement, dans ma vie de tous les jours, à quoi bon ?

Voici un exemple de notion de physique-chimie inutile mais «indispensable» ? 1393347747_Black_carPeu d’entre nous se souviennent «que l’énergie cinétique croit au carré de la vitesse» ! Mais tout le monde sait une chose : si presque en panne d’essence avec ma voiture il faut choisir entre rouler le plus vite possible jusqu’à la prochaine station pour maximiser les chances d’éviter la panne sèche ou paradoxalement rouler lentement vers cette même station, la quasi totalité des gens va choisir la bonne réponse. Le concept d’énergie consommée et son lien avec la vitesse du moteur est compris par chacun-e, même l’explication physique est très lointaine (y comrpris pour des informaticiens 🙂 ).

C’est ce que notre collègue professeure explique probablement quand une ou un jeune lui demande, mais Madame, pourquoi ? Et c’est étonnant et parfois complètement rigolo la physique (par exemple comme notre collègue nous en explique un élément ici avec une-bouteille-a-la-mer).

Maintenant, notre professeure (qui a suivi l’option informatique au lycée de la seconde à la terminale de 1990 à 1993, avant que cette option ne disparaisse purement et simplement) sait que le monde a changé, que nous ne sommes plus à l’ère industrielle mais sommes à l’âge numérique. Elle qui a vu sa mère radiologue, il y a 30 ans, reprendre sa formation pour passer de la radiographie à l’échographie. Alors comment faire pour que nos enfants ne considèrent pas comme « magique » le fait d’être localisé ou le fait de deviner grâce à nos données Facebook qui de nous a des tendances à la schizophrénie [ref] ? La réponse est toute simple : en enseignant l’Informatique [ref] et les Sciences du Numérique : l’ISN (voir son manuel pour en explorer le contenu). Pour maîtriser et pas uniquement consommer le numérique. Et en deux ans de formation et auto-formation, cette professeure est devenu aussi prof’d’ISN. Et son pire ennemi ce n’est pas la motivation des jeunes. Eux, comprennent bien facilement qu’apprendre les fondements du numérique va les aider au quotidien et ils pressentent aussi que le numérique ouvre à pleins de métiers nouveaux. Son pire ennemi c’est que la société des adultes a cru à un immense mensonge collectif.

Au XXIe siècle à l’ère numérique1393347776_teddy_bear_toy_2, ceux qui nous vendent des objets numériques matériels ou logiciels ont réussi à nous convaincre d’une chose énorme : inutile d’apprendre les sciences informatiques et mathématiques qui ont engendrés les technologiques du numérique, il suffit de savoir les consommer. Donc apprendre les usages suffit. Et la France est devenue une nation sans aucun grand développement numérique matériel venant de son pays. Va t-elle aussi perdre la bataille des grands produits et plateformes logiciels ? Tandis que depuis des années en Inde, en Suisse, en Tunisie, … et depuis un an en Grande-Bretagne l’informatique et les sciences du numériques (ISN) sont devenues la «physique-chimie» du XXIe siècle à apprendre à nos enfants, la France commence seulement à rattraper son retard sur ces sujets.

Et concrètement dans mon quotidien, à quoi bon apprendre cette ISN ?

Voici un exemple de notion d’informatique inutile mais «indispensable». 1393347490_malicious_codeQuand on me demande mon mot de passe Facebook ou Twitter, pour être sûr que ce n’est pas une “fausse” page destinée à me pirater, il faut et il suffit (sauf rarrissime situation) de regarder l’adresse Internet qui doit commencer par les 25 caractères «https://www.facebook.com» ou bien par les 20 caractères «https://twitter.com» uniquement, sinon c’est une adresse pirate. Si je comprends le langage qui définit les adresses Internet alors ce geste m’est naturel, sinon je ne vais même pas me poser la question et rester “effaré” devant le vol de mes identifiants. Et si j’apprends la règle ci-dessus comme une recette toute faite (apprentissage par les usages) alors je vais tomber dans le piège suivant si la parade n’est pas sur la liste de ce qu’on m’a fait apprendre par cœur. Si en revanche j’ai appris un peu de science informatique alors cette “astuce” va me paraitre évidente et surtout je serai prête ou prêt à trouver par moi-même la parade au problème suivant.

Oui, mais quel défi ! Enseigner (enfin !) des sciences du 21ème siècle .. sans professeur formé, ni manuel disponible ? En pleine crise budgétaire ? Orthogonalement à d’autres disciplines bien “établies” ? Vous voulez rire ! En fait, et bien : oui. Ça a été plutôt épique, mais parole : on a aussi bien rigolé.

Dans la majorité des académies, à la suite des leçons inaugurales de scientifiques comment Gérard Berry, enseignant-chercheurs universitaires ou des organismes de recherche se sont mobilisés pour déployer plus de 50 heures par an de formation auprès de chaque professeur concerné. Autour de Gilles Dowek, un manuel pour la formation des enseignants, puis un premier manuel scolaire ont été créés, avec un modèle économique ouvert, ère numérique oblige. Un site de ressource et de partage et d’échange a été fondé, et nourri de multiples ressources existantes ou crées à cet effet (conférences vidéo, documents de référence, ..). Sans oublier la revue Web de culture scientifique )i(nterstices, qui s’ouvre à l’ISN. Avant cela, le choix de ce qui serait à enseigner a fait l’objet d’une profonde réflexion, tandis depuis des années de grands collègues s’étaient mobilisés. Plus bas niveau, des chercheurs, qui vont présenter régulièrement, leurs travaux aux lycéens ou qui les aident pour les TPE, et qui sont en rapport avec des professeurs, ont convaincus ces derniers à de se lancer dans l’aventure. Ce fut le cas de notre professeure, qui suite à une conférence, s’est laissée convaincre.

Tout fut-il parfait ? Ô non ! Il y eu des obstacles, des réussites et probablement des loupés, mais nous avons collectivement avancé. Les vrais héros de cette épopée ? Les professeur(e)s eux-mêmes, qui ont osé commencer à apprendre une nouvelle spécialité, et dont la curiosité intellectuelle et la volonté d’enseigner l’avenir à nos enfants les ont conduit à prendre ce risque professionnel et intellectuel. Quelle exemplarité, tout de même : ces femmes et ces hommes qui doivent convaincre nos enfants qu’apprendre est une nécessité, ont donné l’exemple collectif que cela est possible quelque soit le nombre des années.

Une anecdote ? 1393347584_CoolNous voilà dans un lycée dit “technique”, Un prof (initialement de physique) est devant ses élèves de seconde générale en “option de découverte scientifique” (dont quelques geeks, et oui !). De manière très factuelle, il les informe que cette année là, c’est “avec eux” et en leur apprenant, qu’il s’initiera lui-même à la programmation informatique. Trois secondes de silence, dû à l’étonnement collectif. Puis la réponse tombe de la bouche d’une des deux filles de la classe, dans un assentiment général tacite : «Ah ouais M’sieur ? Total respect.». Du coup, même pas besoin du chercheur venu pour aider : l’enseignement sera un succès.

Grâce à ces “profs”, petit à petit, des notions comme celle “d’information numérique” sera aussi bien comprise que le fut la notion d’énergie au 20ème siècle. On parle ici d’apprendre des connaissances, et d’apprendre à apprendre à travers des projets. L’aventure n’est pas que de transmettre de nouveaux savoirs, mais aussi de nouveaux savoir-faire. Les abstractions de l’informatique s’apprennent en les manipulant expérimentalement à travers des exercices de programmation, mais aussi de spécification, conception, etc..

Et voilà que notre professeure qui n’est pas seulement prof mais aussi parent, commence à apprendre la programmation à ses enfants avec Scratch, et la robotique avec le charmant robot thymio ! Et trouve que ce serait bien si l’informatique était enseignée dès l’école primaire !

Propos recueillis auprès des professeurs d’ISN de l’Académie de Nice par Thierry Viéville avec la complicité et la contribution d’Estelle Tassy, professeure ISN, Lycée Amiral de Grasse.

En savoir plus :