Une nova sur le point d’exploser dans la Couronne boréale

L’étoile T Coronae Borealis devrait très prochainement briller 1 500 fois plus fort et devenir ainsi visible sans instrument même dans un ciel urbain suréclairé.

En Europe, la petite constellation de la Couronne boréale est située très loin au-dessus de l’horizon ouest au début des nuits estivales ; utilisez la carte du ciel disponible plus bas dans ce billet pour la repérer non loin d’Arcturus du Bouvier. Lors de l’explosion de la nova qui pourrait se produire n’importe quand à partir de maintenant, l’éclat de l’étoile T CrB dépassera probablement celui d’Alphecca, qui est actuellement près de 1 500 fois plus brillante, et elle sera alors visible à l’œil nu durant quelques jours comme si une nouvelle étoile venait d’apparaître.
© Guillaume Cannat 

Depuis plus de soixante-dix-huit ans il faut une lunette ou un télescope pour distinguer l’éclat de T Coronae Borealis (T CrB), une étoile double appartenant à la constellation de la Couronne boréale et située à près de 2 600 années-lumière de la Terre. T CrB est une étoile double variable et les observateurs, professionnels comme amateurs, suivent depuis des décennies les petites variations de son éclat au long de son cycle de 227,5 jours lié au mouvement orbital de ses deux composantes. Rien de très original apparemment puisqu’il existe des centaines de milliers d’étoiles variables dans notre environnement cosmique, mais T CrB possède une particularité très rare : il s’agit d’une « nova récurrente », c’est-à-dire un astre qui connaît régulièrement des sursauts d’éclat intenses durant lesquels sa luminosité peut être multipliée par un facteur 1 500, voire beaucoup plus, ce qui permet de le voir soudain à l’œil nu comme s’il s’agissait de l’apparition d’une nouvelle étoile.

Ce comportement cyclique rarissime – on ne connaît qu’une dizaine de novæ récurrentes dans notre galaxie – découle de la nature des étoiles qui constituent T CrB : une géante rouge qui approche de la fin de son cycle évolutif et une naine blanche, c’est-à-dire ce qu’il reste d’une étoile de masse comparable à celle du Soleil à la fin de son évolution une fois qu’elle s’est débarrassée de ses couches externes. De plus, ces deux étoiles orbitent suffisamment près l’une de l’autre pour que la matière des couches externes dilatées et déformées de la géante rouge – essentiellement de l’hydrogène – soit attirée par la naine blanche et tombe vers elle en spiralant dans un disque d’accrétion. Cycliquement, l’augmentation de la pression et de la température engendrée par l’accumulation de cette matière sur la naine blanche déclenche une violente explosion thermonucléaire lors de laquelle une partie plus ou moins importante de l’hydrogène importé se transforme en hélium et libère une quantité colossale d’énergie, ce qui provoque le bref mais intense sursaut d’éclat que nous pouvons observer. Puis l’accumulation reprend jusqu’à la prochaine explosion…

Vue d’artiste du disque d’accrétion de la matière d’une géante rouge attirée par une naine blanche ; les dimensions des étoiles et du disque ainsi que les distances ne sont évidemment pas à l’échelle.
Crédits : NASA/CXC/M.Weiss

En sachant que cette nova a été observée en 1787, 1866 et 1946, soit avec une périodicité d’environ quatre-vingts ans, les astronomes estimaient que la prochaine explosion se produirait vers la fin de l’année 2025 ou en 2026, mais un suivi extrêmement rigoureux de son éclat réalisé depuis 2015 semble annoncer un sursaut imminent. Une petite baisse globale de la brillance de T CrB a notamment été détectée sur l’ensemble de son cycle durant l’année 2023 et ce phénomène avait également été observé un peu plus d’un an avant l’explosion de 1946 ; les astronomes en concluent que la nouvelle explosion pourrait bien être observable avant la fin de l’été 2024. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’il s’agit d’un processus complexe qui se déroule à l’échelle d’un système stellaire et que d’infimes changements dans le rythme d’accrétion peuvent engendrer des décalages temporels inattendus.

Le 12 mai 1866 et le 9 février 1946, l’éclat de T CrB a augmenté et culminé en quelques heures à peine, témoignant de la violence de l’embrasement thermonucléaire, et cet astre habituellement invisible à l’œil nu est devenu pratiquement aussi brillant que l’étoile Polaire ou qu’Alphecca, l’étoile principale de la Couronne boréale que l’on appelle parfois aussi Gemma. L’éclat ayant diminué assez vite après l’explosion les dernières fois, la période d’observation à l’œil nu devrait être limitée à une semaine, encore moins si vous observez en ville et que la pollution lumineuse ne vous permet de voir que les astres les plus brillants. Je vous conseille donc d’apprendre dès à présent à repérer le petit demi-cercle d’étoiles de la Couronne boréale et à vérifier régulièrement qu’il n’accueille pas une « nouvelle » étoile. Il se situe pratiquement au tiers de la distance entre les brillantes étoiles Arcturus du Bouvier et Véga de la Lyre que vous trouverez du côté ouest de la voûte céleste lors des nuits estivales et durant l’automne, puis du côté est de la voûte céleste avant l’aube à la fin de l’automne et en hiver.

Une dernière pensée pour rêver un peu lors de vos observations : sachant que T CrB se situe à près de 2 600 années-lumière de nous et qu’il faut donc tout ce temps pour que l’éclat de chaque explosion de cette nova nous atteigne, nous pouvons nous imaginer que des dizaines de flashes se suivent déjà à la queue leu leu sur le fil spatio-temporel qui nous lie à T CrB, comme autant de perles et de joyaux destinés à embellir un instant la Couronne boréale.

Pour en savoir plus

L’article scientifique de Brad Schaefer.

Les dernières nouvelles de la nova.

Le site mondial de référence sur les étoiles variables.

L’article de mon collègue Pierre Barthélémy.

 

Carte du ciel visible en juillet 2024 vers la fin du crépuscule à la latitude de la France métropolitaine. Les cartes de ce billet peuvent être utilisées en Europe et dans le monde à l’intérieur d’une bande s’étendant de 38° à 52° de latitude nord. Si vous êtes à plus de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus haute dans votre ciel et, le soir, Véga de la Lyre sera d’autant plus proche de l’horizon sud. Si vous êtes à moins de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus proche de l’horizon nord et Véga sera plus éloignée de l’horizon sud. Cliquez sur la carte pour l’afficher en grand et l’imprimer pour votre usage personnel.

À lire également
Chaque mois, je vous propose de découvrir mes images du ciel dans ma Lettre du Guide du Ciel.

La Lune gibbeuse décroissante se lève sur le lac des Pises et son éclat éblouissant semble pousser la Voie lactée hors du champ.
© Guillaume Cannat 

Quelques rendez-vous à admirer dans le ciel de juillet

L’été commence vraiment bien pour les amateurs de beaux paysages crépusculaires puisque toutes les planètes visibles à l’œil nu seront observables en juillet. Jusqu’au mercredi 3 juillet à l’aube, une heure et quarante-cinq minutes avant le lever du Soleil, Mars et Jupiter ouvrent le bal au-dessus de l’horizon est-nord-est. Nous approchons de la fin de la lunaison, donc la Lune nous présente des croissants d’une finesse qui s’accentue au fil des matins, chacun accompagné d’une généreuse pincée de lumière cendrée. Si vous sortez plus tôt, à l’orée de l’aube, Jupiter n’est pas encore levée mais le petit attroupement stellaire des Pléiades est bien visible à une quinzaine de degrés sur la gauche de Mars, soit l’équivalent de la largeur du poing et du pouce bras tendu. La clarté de l’aube s’accroît alors que Jupiter se hisse dans le ciel et les Pléiades sont de plus en plus délicates à repérer sans instrument. Le mardi 2 juillet, le croissant brille à mi-distance entre Mars et les Pléiades, et le mercredi 3, il surplombe Jupiter de trois degrés.
Le samedi 6 juillet au crépuscule, vingt minutes après le coucher du Soleil, tentez de repérer l’arc lunaire et l’étincelle vénusienne dans le ciel crépusculaire encore très lumineux. Un peu moins d’une journée après la Nouvelle Lune, le croissant est très fin, mais il est déjà visible à l’œil nu dans un ciel limpide. Trois degrés sous lui et à moins de deux degrés de l’horizon ouest-nord-ouest, Vénus est de retour dans la liste des planètes observables. Prenez un peu d’altitude pour vous extraire de la couche de brume et de pollution qui encrasse souvent les plaines.
Avec vingt-quatre heures de plus, le croissant lunaire est bien plus facile à voir le dimanche 7 juillet alors qu’il s’installe à côté de Mercure. Une heure après le départ du Soleil, ces astres sont à deux degrés d’écart et à moins de cinq degrés de hauteur au-dessus de l’horizon ouest-nord-ouest. Le ciel crépusculaire est lumineux et coloré car le Soleil n’est pas encore très loin sous l’horizon, mais une pâle lumière cendrée devrait néanmoins souligner le galbe de notre satellite naturel.
Pourquoi ne pas consacrer la soirée du mercredi 24 juillet à la contemplation de la montée de la nuit ? Éloignez-vous des lumières artificielles éblouissantes et regardez le crépuscule déployer toute l’étendue de sa palette de couleurs. Juste après le départ du disque solaire, peut-être avec un rayon vert si vous êtes en montagne ou au bord de la mer et que les conditions atmosphériques s’y prêtent, tournez le dos au couchant et admirez l’apparition de l’ombre de la Terre surmontée par la teinte rosée de la ceinture de Vénus. L’ombre terrestre s’élève et se fond progressivement dans l’obscurcissement du ciel. Pendant ce temps, Vénus et Mercure jettent leurs derniers éclats à l’ouest-nord-ouest et l’orange crépusculaire se pare de vert et de pourpre avant de glisser vers le rouge et de s’assombrir. Deux heures après le coucher du Soleil, revenez vers l’est pour guetter l’arrivée de Saturne et de la Lune gibbeuse décroissante qui se lèvent à la fin du crépuscule. L’éclat lunaire est tel qu’il efface rapidement la Voie lactée qui s’était paisiblement installée du sud au nord au fil du crépuscule. Séparés par un degré à leur lever, ces deux astres s’écartent l’un de l’autre au fil de leur cheminement sur la voûte céleste jusqu’à la fin de la nuit.
Du lundi 29 au mercredi 31 juillet en fin de nuit, trois heures avant le lever du Soleil, Jupiter, Mars et Uranus s’alignent dans le Taureau au-dessus de l’horizon est-nord-est et reçoivent la visite de la vieille Lune. Vous pouvez observer cet alignement et suivre cette promenade lunaire en milieu urbain ou périurbain, mais vous ne pourrez pas repérer le petit point d’Uranus, qui sera noyé dans la clarté des lumières artificielles. En choisissant un site au ciel mieux préservé, Uranus sera repérable à l’œil nu ou aux jumelles une fois que la luminosité naturelle du croissant lunaire aura fondu, soit, sans doute, mercredi. Les étoiles les moins éclatantes des amas des Hyades et des Pléiades seront elles aussi effacées ou non par la pollution lumineuse selon votre situation. Le lundi 29 juillet, le gros croissant est encore dans le Bélier, d’où il domine toute la scène, et sa lumière cendrée est déjà perceptible. Il brille entre les Pléiades et Mars le mardi 30 et à cinq degrés sur la gauche de Jupiter le mercredi 31.

Phases de la Lune en juillet
La Lune est nouvelle le 6 dans les Gémeaux, au premier quartier le 14 dans la Vierge, pleine le 21 dans le Sagittaire et au dernier quartier le 28 dans le Bélier.

Le ciel en juillet
La nuit noire tarde à venir en juillet et le début des observations célestes est repoussé autour de minuit. À ce moment-là, si la Lune éblouissante est absente, il est possible de découvrir la Voie lactée dans les sites éloignés des lumières urbaines. Elle domine le côté est du bol nocturne, avec la constellation de Persée au ras de l’horizon nord-nord-est, celle du Scorpion au sud-sud-ouest et le Triangle d’été pratiquement suspendu au zénith par son étoile Véga. Alphecca de la Couronne boréale est repérable à l’œil nu sur la ligne qui joint Arcturus à Véga, loin au-dessus de l’horizon sud-ouest. Notez que les figures printanières sont encore présentes en début de nuit, avec le grand losange de l’astérisme du Diamant, qui assemble les étoiles Cor Caroli, Arcturus, Spica et Denebola, couché sur l’horizon ouest. Notre galaxie a la forme approximative d’une galette tournant sur elle-même et son axe de rotation pointe vers la Chevelure de Bérénice, au beau milieu du Diamant. Avec un peu d’imagination, vous pouvez « voir » la lente giration de la Voie lactée se matérialiser dans le ciel. Le grand carré de Pégase s’élève de plus en plus tôt au-dessus de l’horizon est et il entraîne l’arc d’Andromède, qui vous ramène jusqu’à Persée si vous le prolongez. L’été, dans l’hémisphère Nord, l’écliptique est rabattu vers l’horizon sud et les constellations zodiacales (dont les noms sont colorés en orange sur les cartes) sont confinées dans la bande la plus turbulente et polluée de la voûte nocturne.

Cette carte montre le ciel visible en juillet 2024 à l’orée de l’aube à la latitude de la France métropolitaine. Attention, les cartes du ciel ne sont pas à l’envers ! Elles représentent simplement les astres qui sont situés au-dessus de nos têtes. Si vous vous allongiez avec la tête vers le nord et les pieds vers le sud, l’est serait bien à votre gauche et l’ouest à votre droite. Utilisez ces cartes en les imprimant et en les faisant tourner de telle sorte que le nom de la direction dans laquelle vous observez soit écrit à l’endroit. Les constellations et les étoiles que vous retrouverez dans la portion du ciel qui vous fait face sont toutes celles dont le nom est lisible sans trop pencher la tête. Les noms des constellations et de leurs principales étoiles sont indiqués, ainsi que le tracé des constellations les plus importantes ; ce tracé est parfois incomplet lorsque la figure est en partie cachée sous l’horizon. Le ciel est très vaste et les constellations qui semblent petites sur les cartes sont, en fait, très grandes : votre main ouverte et bras tendu cache ainsi à peine l’ensemble du Chariot de la Grande Ourse.