Alors que plusieurs démocraties entament un virage à droite, le Royaume-Uni a mis les conservateurs dehors après 14 ans de règne. Une autre preuve que les Anglais ne font rien comme les autres. C’est Larry, le chat du 10, Downing Street, qui doit rire dans sa moustache.

Arrivé en 2011 pour débarrasser la résidence officielle des souris, le félin a vu passer cinq premiers ministres, dont une première ministre, Liz Truss, qui lui a tenu compagnie pendant seulement 45 jours.

Le nouveau coloc de Larry – Keir Starmer – hérite d’un pays en état de décrépitude avancé. L’économie britannique est exsangue, les services publics sont en ruine, le pouvoir d’achat des ménages est en chute libre et la politique d’immigration incontrôlée divise la population comme jamais. Comme partout ailleurs ? Peut-être pire.

PHOTO CLAUDIA GRECO, FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Keir Starmer

Ce n’est pas tant un virage à gauche pour le pays qu’un coup de balai pour se débarrasser de politiciens qui sont responsables en grande partie de ses problèmes actuels. Le Brexit et surtout la façon dont la sortie de l’Union européenne a été gérée par les gouvernements successifs depuis celui de David Cameron, à qui on doit le référendum de 2016. Le divorce avec le reste de l’Europe a été décidé avec 51,9 % de l’appui populaire.

Il n’a pas beaucoup été question du Brexit au cours de la campagne électorale qui vient de se terminer, mais la rupture avec l’Europe en 2021, après une période de transition, reste un boulet pour l’économie britannique. Plusieurs estimations de l’impact économique du Brexit ont été faites et toutes concluent à un recul en matière de commerce, d’investissement et de l’offre d’emplois.

En matière de commerce, les gouvernements qui se sont succédé depuis ont tenté de conclure des ententes de libre-échange tous azimuts, avec un succès mitigé. Même les négociations commerciales avec le Canada, ancienne colonie britannique, ont échoué, c’est tout dire.

Le niveau des investissements des entreprises ne s’est pas remis non plus du Brexit, et serait actuellement de 20 % inférieur à ce qu’il aurait pu être sans l’incertitude qui perdure sur l’avenir du pays1.

Le Brexit a aussi contribué à alimenter une crise de l’immigration que le nouveau premier ministre devra gérer. Privé de l’apport de la main-d’œuvre européenne à qui un permis de travail a été imposé, le pays a accueilli des immigrants de partout dans le monde et des demandeurs d’asile dont le nombre a surpassé les attentes et encouragé l’intolérance.

La souveraineté retrouvée, la prospérité tarde à venir. Ce n’est donc pas étonnant qu’au fil des ans, les Anglais soient de plus en plus nombreux à regretter d’avoir dit oui au Brexit. Plus ou moins les deux tiers d’entre eux, selon les différents sondages, estiment maintenant que c’était une erreur.

Le nouveau gouvernement pourrait-il tenter un rapprochement avec l’Union européenne ? Ce n’est pas son intention, en tout cas. Le premier ministre Starmer a répété pendant sa campagne que ce qu’il veut, c’est faire fonctionner le Brexit.

Il s’est plutôt engagé à réparer le système de santé et d’éducation, à décarboner le système électrique et à aider les secteurs de la sidérurgie et de l’automobile. Il n’est pas question d’augmenter les impôts pour financer toutes ces nouvelles dépenses.

Ce sera ardu, estime l’analyste de la Financière Banque Nationale Angelo Katsora. « Son programme se heurtera inévitablement au mur historiquement élevé de la dette du Royaume-Uni et du coût des intérêts. Le Parti travailliste devra choisir qui il voudra décevoir, ceux qui l’ont porté au pouvoir ou les marchés financiers », écrit-il dans une analyse récente2.

Le nouveau premier ministre dit qu’il veut reconstruire le pays « brique par brique ». Dans ces circonstances, un rapprochement avec l’Europe n’est sûrement pas à exclure. D’autant que de l’autre côté de la Manche, avec une guerre qui perdure et la menace du retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, on a bien besoin d’amis. Même si ce sont d’anciens colocs qui reviennent après une escapade.

1. Consultez un rapport du Trésor français 2. Consultez l’analyse de la Banque Nationale