Des dos d’âne installés pour forcer les cyclistes à ralentir suscitent l’inquiétude sur l’avenue du Mont-Royal, piétonnisée depuis le début de l’été. La décision, prise par l’arrondissement, risque de causer encore plus d’accidents, craint Vélo Québec.

Ce qu’il faut savoir

  • Des dos d’âne installés sur l’avenue du Mont-Royal inquiètent le milieu cycliste.
  • L’arrondissement assure les avoir installés pour réduire la vitesse et les accidents.
  • Une telle pratique a déjà été tentée dans Verdun l’an dernier, mais semble contraire aux recommandations municipales.

« Les ralentisseurs en caoutchouc, qui ressemblent à des dos d’âne courts, représentent un risque important dans les rues et espaces publics fréquentés par des cyclistes, car ils sont fréquemment associés à des chutes et à des blessures. Il est donc impératif de ne pas les installer sur le domaine public », affirme sans détour la porte-parole de l’organisme cycliste, Stéphanie Couillard.

Piétonnisée depuis le 5 juin dernier sur un vaste tronçon, l’avenue du Mont-Royal autorise comme l’an dernier les cyclistes, planchistes et adeptes de la trottinette ou du patin à roues alignées à y circuler, mais « à condition de rouler lentement et de donner la priorité aux piétons en tout temps », lit-on sur le site de la Ville.

Sur le terrain, toutefois, on observe depuis un moment déjà un taux de délinquance assez élevé du côté des usagers du transport actif.

« Je reçois quasiment quotidiennement des témoignages de gens qui ne se sentent pas en sécurité ou qui ont été frôlés par des cyclistes en marchant. Entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis, il y a une côte, donc les cyclistes arrivent avec un élan, et ils vont très vite », dit le directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de l’avenue du Mont-Royal, Claude Rainville.

Un projet pilote d’abord

Mise au fait des revendications commerciales, l’équipe des études techniques du Plateau-Mont-Royal confirme avoir installé lesdits dos d’âne au cours des derniers jours.

Par courriel, l’arrondissement affirme qu’il s’agit d’un projet pilote pour l’été qui « s’inscrit dans [sa] démarche d’encourager la cohabitation piétons-cyclistes sur les rues piétonnes, et ce, depuis plusieurs années ». On promet de suivre la situation de près pendant la saison estivale, afin de s’ajuster au besoin.

L’idée est venue de l’arrondissement de Verdun, qui a mis en place le même genre de mesures l’an dernier et qui a observé un ralentissement des vélos. La disposition des dos d’âne, elle, a été conçue par le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) pour que les camions puissent les traverser sans embûche en cas d’urgence.

Pourtant, dans une fiche technique résumant les bonnes pratiques sur l’aménagement des rues piétonnes, offerte en ligne depuis cette année, le Service de l’urbanisme et de la mobilité de la Ville de Montréal indique clairement qu’il « n’est pas recommandé d’installer des dos d’âne ou autres dispositifs visant à faire dévier les cyclistes », les planchistes ou les autres usagers.

La raison évoquée est que « le passage de ces dispositifs exige une grande part de l’attention des cyclistes, qui pourraient moins bien percevoir les piétons autour d’eux » et ainsi créer davantage d’accidents.

« Appel au civisme »

Au-delà du débat réglementaire, Claude Rainville, lui, qualifie « d’assez ironique » la situation actuelle. « Ça me fait un peu rire d’entendre que les cyclistes ne se sentent pas en sécurité. Ils ont juste à rouler moins vite », lance-t-il en entrevue.

« On parle d’une mesure pour favoriser la saine cohabitation entre les cyclistes et les piétons, donc je suis un peu surpris que des gens s’en plaignent. Tout ce qu’on demande aux gens, c’est de rouler lentement. Et malheureusement, ce n’est pas toujours le cas sur notre artère », poursuit M. Rainville.

Il parle plus globalement d’un « appel au civisme ». « Cette mesure-là, ce n’est pas pour blesser personne, c’est simplement un signal pour ralentir », ajoute le directeur général.

« Moi, honnêtement, j’aime mieux une mesure incitant à ralentir que de voir un piéton qui s’est fait donner un coup de guidon par un cycliste qui zigzaguait. À un moment donné, il faut que la rue soit sécuritaire pour l’ensemble des usagers, et c’est ça qu’on vise », conclut le directeur de la SDC de l’avenue du Mont-Royal.

Chez Vélo Québec, Stéphanie Couillard, elle, rétorque que des solutions plus appropriées, « comme des parcours sinueux permettant un ralentissement naturel des vélos, devraient être privilégiées » dans le contexte.

Selon elle, les exigences réglementaires municipales actuelles, qui imposent notamment un couloir de circulation de six mètres pour les services d’urgence, font en sorte qu’il est « souvent difficile, voire impossible, d’implanter de telles mesures, plus efficaces et adaptées aux cyclistes ».