L’histoire d’un dîner (vraiment) pas comme les autres entre Valentin Raffali et Pascal Barbot

L’histoire d’un dîner (vraiment) pas comme les autres entre Valentin Raffali et Pascal Barbot

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Par Robin Panfili

Publié le , modifié le

Le temps d’un dîner le jeune chef Valentin Raffali est venu cuisiner avec Pascal Barbot, l’une des légendes de la cuisine française, et on aurait manqué ça pour rien au monde.

Les dîners éphémères et les “quatre-mains” entre chefs ont le vent en poupe mais, malheureusement, ils se transforment souvent en coup d’épée dans l’eau. Peu cohérents, un peu paresseux, un peu opportunistes, sans grande alchimie… Si bien qu’on a fini par s’en lasser. Pourtant, il y a parfois des fulgurances, des moments magiques et suspendus.

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Lorsqu’on a appris que le prometteur chef Valentin Raffali, que l’on suit depuis un moment, et fraîchement sorti de l’aventure Top Chef, allait venir cuisiner avec Pascal Barbot, chef préféré de ton chef préféré, dans les cuisines de l’Astrance, notre sang n’a fait qu’un tour. Le plus grand espoir de la cuisine de demain qui vient apprendre, observer, cuisiner et partager les fourneaux avec l’une des plus grandes et discrètes légendes de la gastronomie contemporaine ? On aurait manqué cela pour rien au monde.

Si ce rendez-vous était si incontournable, c’est parce que l’on n’aurait jamais vraiment pensé qu’il puisse voir le jour. Deux générations, deux univers, deux cuisines qui gravitent dans des galaxies a priori éloignées. Et pourtant, il y avait là un lien et une connexion logique, naturelle et sincère que l’on n’avait pas anticipés.

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Alchimie et poésie

Pour ce dîner pas comme les autres, Valentin Raffali a pris les choses avec sérieux et rigueur, comme toujours. Des journées en cuisine, dès le petit matin, pour venir observer, apprendre et s’immerger de la philosophie si unique de l’Astrance. Des journées à venir répéter les gestes, parler, partager, essayer et expérimenter encore et encore. “J’étais surpris de voir Valentin arriver avec une telle connaissance de notre univers. Dès le premier jour, on aurait presque pu dire qu’il était dans la brigade depuis des mois et des années”, confie Pascal Barbot.

Pendant des semaines, Valentin Raffali s’est plongé dans les livres et les archives du restaurant pour en comprendre l’essence. “C’était essentiel et non négociable. Je n’aurais jamais envisagé de venir cuisiner ici sans comprendre l’histoire et l’ADN qui guident ce lieu”, rebondit le jeune chef, qui ne cache pas l’appréhension qui a précédé son arrivée dans les cuisines de l’Astrance. “J’avais peur de ne pas être à la hauteur, j’ai tellement de respect et d’admiration pour cet endroit, alors j’ai pris les choses très au sérieux”.

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Joindre deux univers

Le défi d’un repas à quatre mains tient à un équilibre très précaire, car il n’a d’intérêt que si les deux chefs acceptent de travailler ensemble à créer quelque chose de nouveau, en alchimie et symbiose, plutôt que de dérouler chacun leur tour un répertoire culinaire personnel déjà rodé. Il faut essayer, il faut goûter, il faut douter, il faut confronter. Il faut construire, il faut écouter, corriger et ajuster, tout en mettant l’orgueil et l’ego de côté.

Très vite, Pascal Barbot et Valentin Raffali ont trouvé leurs repères, leurs marques et leurs points d’accroche, par l’intermédiaire de ponts qui lient et connectent leurs deux univers et leurs deux cuisines, notamment autour de l’acidité, du piquant, des agrumes… “Ce que l’on a en commun, c’était finalement assez évident et limpide : le citron vert, le gingembre, le piment, la vivacité. Mais je dis ça, vraiment, en toute modestie”, sourit-il, presque gêné de devoir réfléchir à se comparer à celui qui lui ouvre ses cuisines depuis quelques jours.

À quelques minutes du début du service, alors que la cuisine vivote et se met en branle, Pascal Barbot enchaîne : “C’est un garçon très touchant, et on le voit immédiatement dans sa cuisine et sa manière de travailler, de créer, de penser. On a des similitudes dans l’approche des choses, dans la philosophie, dans la curiosité, dans l’élégance, dans le piquant, l’acidité ou l’amertume ou dans le végétal. On gagne beaucoup de temps avec Valentin, car il est déjà très mature et, c’est rare à cet âge-là, dans une réflexion permanente”.

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La beauté du geste

Dans cette alchimie aussi évidente qu’inattendue, Valentin Raffali a appris des choses. Sur lui, sur sa manière de voir les choses, de réfléchir à ses gestes, de canaliser son instinct, et surtout d’appréhender sa cuisine. “Ici, j’ai appris l’importance du geste, de la rigueur, de la minutie. Il ne s’agit pas d’être intelligent, mais faire preuve d’intelligence. C’est deux choses très différentes, explique-t-il. Tous les apprentissages prennent énormément de temps à être digérés et à assimilés, mais je sais déjà que cette expérience m’a changé.”

Le symbole de cette quête du “geste” s’est manifesté par un plat, servi ce soir-là : un millefeuille de foie gras et champignons. Un concentré de leur collaboration, clin d’œil à un classique de l’Astrance, agrémenté d’une prise de risque, servie en condiment, propre à ce que Valentin Raffali défend et construit depuis de longues années : de la brède mafane, une plante au pouvoir anesthésiant pour le palais lorsqu’elle est trop fortement dosée. “C’était un petit défi, un peu couillu, mais que l’on a imaginé tout en justesse et en douceur”, se satisfait Valentin Raffali.

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Quatre mains, douze plats

Pour le dîner, le menu a été pensé à deux, voire davantage, puisque toute la brigade a été impliquée dans la construction de cette aventure. Tout ça, autour de grands classiques et plats emblématiques de l’Astrance. “Il a compris très vite ce que l’on était, alors c’était facile de travailler, penser et réfléchir ensemble”, insiste Pascal Barbot. “J’ai tenté d’amener, autant que possible et avec immense humilité, mon identité autour des condiments, des assaisonnements, mais tout en respectant et en m’alignant avec le travail de Pascal Barbot et de l’Astrance”, rebondit Valentin Raffali.

En parlant de plats, d’ailleurs, voici un aperçu, en images, volontairement sans description, des plats et des recettes afin d’éveiller votre curiosité et votre imagination.

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Alors, voilà, ce dîner et cette parenthèse auront permis de saisir et faire exprimer toute la poésie des deux personnages, certes, mais aussi d’offrir la chance à Valentin Raffali, chef en devenir et en construction, de s’élever et de prendre du recul et de la perspective sur sa philosophie personnelle et culinaire. Lui, le chef aux goûts tranchés, parle d’une “révélation”.

“Après mon passage ici, à l’Astrance, je ne cuisinerai plus jamais pareil. Cette cuisine saturée, c’est celle qui m’a animé longtemps, mais l’élégance et la justesse que j’ai observées ici m’ont ouvert les yeux. Est-ce que c’est la cuisine que j’ai envie de défendre à l’avenir ? Je ne sais pas, et je ne pense pas”.

Ainsi soit-il, et seul l’avenir le dira. Alors, rendez-vous au prochain épisode.