Nancy Livre sur la Place : Edgar Morin en prise directe avec son temps

Du vendredi 13 au dimanche 15 septembre, le premier salon national de la rentrée littéraire sera présidé par le sociologue et philosophe Edgar Morin. En dépit de ses 102 ans, il continue à être une voix qui compte. Son engagement est intact.
Pascal SALCIARINI - 03 juin 2024 à 17:55 | mis à jour le 03 juin 2024 à 18:42 - Temps de lecture :
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Edgar Morin présidera en septembre le 46e Livre sur la Place Photo Xavier Malafosse

Edgar Morin présidera en septembre le 46e Livre sur la Place Photo Xavier Malafosse

Il aime bien cette formule de Martin Luther-King, Edgar Morin, centenaire malicieux et brillant, lucide aussi sur la société des lettres et des médias : « Pour se faire des ennemis, pas besoin de faire la guerre, il suffit de dire ce qu’on pense ». Alors que la guerre fait rage en Ukraine, en Afrique, sur le sol palestinien et israélien, Edgar Morin revient à Nancy en endossant le rôle de président du 46e Livre sur la Place. Une tâche et un honneur qui ne seront pas de tout repos, alors même que le sociologue et philosophe se réjouit, en dépit de ses 102 printemps, de retrouver Nancy, où il brilla en 2015.

Né en 1921 - « c’est là que j’ai vécu mon adolescence, la guerre a été une école de formation très importante » - Edgar Morin aura sans cesse nourri son savoir et sa pensée des épreuves de la vie. De parents juifs séfarades, orphelin de mère à dix ans, il prépare pendant la Guerre d’Espagne des colis à l’attention des Républicains et s’engage dans la Résistance. C’est lors de cette période qu’Edgar Nahoum adoptera et gardera le pseudonyme de « Morin ».

Témoin du stalinisme et du nazisme, mais aussi et notamment de la guerre d’Algérie, de Mai 68 et de la crise du Covid, il reste aujourd’hui encore sociologue en prise directe avec son temps. Edgar Morin publie ce 5 juin « L’année a perdu son printemps » aux éditions Denoël, roman autobiographique inédit, écrit en 1946, qui éclaire la construction psychique, intellectuelle et politique de l’un des plus grands penseurs de notre temps, que nous avons interviewé.

Edgar Morin  : « Un monde qui risque d'aller vers de grandes catastrophes ». Photo DH

Edgar Morin  : « Un monde qui risque d'aller vers de grandes catastrophes ». Photo DH

Quelle est la place de l’Afrique aujourd’hui dans votre vie ?

«  C’est une préoccupation constante, politique, sociale, humaine. Je n’oublie pas qu’à l’ancienne colonisation a succédé une colonisation politico-économique. »

Vous avez connu tous les drames, toutes les tragédies du XXe siècle, dans quel monde avez-vous l’impression de vivre ?

« Un monde qui subit un enchevêtrement de crises et qui risque d’aller vers de grandes catastrophes. »

Quel regard portez-vous sur le conflit israélo-palestinien et son déferlement de haine, vous le résistant de la France Libre qui a combattu le nazisme ?

«  La tragédie d’un peuple colonisé, réprimé, en partie chassé de sa terre et qui risque d’en être totalement expulsé. »

Que vous ont apporté la littérature, le roman, la poésie ?

« La connaissance de la vie mieux que toutes les sciences humaines, et le sentiment poétique lié à l’esthétique.

Vous présiderez le Livre sur la Place en septembre 2024. Un salon national qui vous a déjà accueilli en 2015. Quel message pour nos nombreux lecteurs lorrains ? »

« Je vais leur dire d’aimer le livre, d’aimer la littérature, qui en retour les aideront à vivre. »