#MeToo hôpital : lutter contre les violences sexuelles et l'impunité, un rassemblement inédit du monde médical

A l’appel d'organisations luttant contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical, un rassemblement aura lieu ce mercredi 29 mai devant le ministère de la Santé à Paris. Objectif : dénoncer le sexisme et les agressions sexuelles dans la santé, mais aussi soutenir la parole des victimes.

Plusieurs collectifs d’étudiant-es en médecine, des soignant-es et des associations de patient-es, ensemble pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical. C’est un rassemblement inédit qui est prévu ce mercredi 29 mai, à 18 heures devant le ministère de la Santé. 

A l’initiative de cette manifestation, le collectif Emma Auclert. Cette organisation d’étudiants en médecine a dénoncé le retour à l’hôpital d’un de leur camarade, condamné à deux reprises pour agressions sexuelles. "C’est un cas emblématique, mais pas isolé, il représente l’omerta totale dans notre milieu et l’impunité des agresseurs", détaille Emma, une membre du collectif. "Ces violences touchent tant les patient-es, que les soignant-es et les étudiant-es. Evidemment, on ne les cautionne pas, on veut protéger nos patients de cela." Elle explique également se questionner sur le sens même de son métier face à ces agissements.

Quelle valeur donne-t-on à notre métier et à notre diplôme de médecin, si on l’accorde aussi à des agresseurs ? Comment conserver la confiance des patients dans ce cadre ?

Collectif Emma Auclert

Selon le collectif, 4 étudiant-es sur 10 sont victimes de harcèlement sexuel à l’hôpital, 1 étudiante sur 5 agressée sexuellement par un de ses camarades et dans 90% des cas, aucun signalement n’est fait par peur de représailles et de conséquences sur leurs carrières (chiffres issus d’une enquête de 2021, menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France).

Le collectif Emma Auclert, tout comme les autres associations et organisations qui appellent au rassemblement, portera plusieurs revendications parmi lesquelles "la mise en place en urgence d’un plan de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, dans les universités et les établissements de santé publics, la création d’une plateforme de signalement anonyme pour patient-es, un véritable accompagnement psychologique, médical et juridique des victimes" ou encore, "par principe de précaution, la mise à l'écart immédiate et systématique […] de tout médecin ou autre professionnel concerné par un signalement ou une plainte le temps de l'enquête disciplinaire […]." 

200 témoignages par mois de patientes victimes de violences


Aux côtés des étudiants se trouveront aussi des patientes. "Ce sera un moment important pour fédérer autour d’une même lutte", selon Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques France. Son association reçoit en moyenne 200 témoignages de patientes tous les mois, des récits d'agression sexiste ou sexuelle par un professionnel de santé. "Nous ne sommes pas contre la profession, nous réclamons plutôt un partenariat patientes-soignants pour pouvoir améliorer les pratiques. Souvent, les patientes parlent de ce qu’elles ont subi mais ne sont pas entendues. Et du côté des soignants, certains subissent aussi ce type de violence, sans pouvoir facilement en parler."

Stop VOG réclame par exemple que les patientes puissent participer à la formation des futurs médecins. "Nous avons souvent l’image d’Epinal du médecin qui rend impensable que ceux-ci peuvent être violents, et qui fait que les pratiques ne changent pas. Alors pour sortir de l’entre-soi de la profession et pour que celle-ci soit formée à l’écoute et la bienveillance, nous aimerions que des patients puissent témoigner auprès des étudiants en médecine."

"En effet, à nous de prendre place comme patientes partenaires", approuve Isabelle. Cette femme de 55 ans a été victime d’une agression de la part d’une gynécologue il y a 4 ans. "Elle devait seulement effectuer un frottis et m’a finalement intégralement et violemment examinée, alors que je lui avais clairement dit non", raconte-t-elle. "J’ai été sidérée, je suis sortie en pleurant, sans vraiment comprendre ce qu’il venait de se passer. J’ai porté plainte auprès de l’Ordre des médecins. Là, on m’a fait comprendre qu’on m’avait fait subir des violences pour mon bien. La gynécologue s’est totalement dédouanée de la portée de ses gestes, ce qui a primé était son intention de m’examiner, au-delà de ce que j’ai vécu et ressenti." 

Une autre patiente, souhaitant rester anonyme, témoigne aussi de la violence systémique dans le milieu médical. Cette quarantenaire Francilienne a déjà subi plusieurs agressions de la part de gynécologues. "La première fois, je n’avais pas besoin d’examen mais elle a insisté pour me délivrer ma prescription de pilule. Elle m’a inséré violemment le spéculum, évidemment j'ai eu mal. La seconde fois, avec un autre gynécologue, c’étaient des remarques sexistes, des commentaires sur la forme de mon sexe… Et jamais aucun ne m’a demandé mon consentement, ni expliqué quels examens j’allais subir."

Toutes deux sont désormais engagées auprès d'associations luttant contre ces violences. Isabelle dit par ailleurs comprendre la défiance ressentie auprès des professionnels de santé, elle-même n’a plus consulté de gynécologue depuis son agression. "Je sais que tous les soignants ne sont pas violents, mais malheureusement, il suffit de croiser la route d’un seul médecin malveillant pour que quelque chose se brise. Et cela nuit aussi à toute la profession."

"Une culture carabine"

Parmi les autres revendications, il y a aussi celle de l’interdiction des fresques pornographiques, souvent présentes dans les salles de repos des internes à l’hôpital. "Ces fresques font l’apologie des violences sexuelles, du viol, dans un cadre professionnel. Dans n’importe quelle autre entreprise, ce serait impensable de trouver ce genre de représentation", relate Céline Piques, porte-parole de l’association Osez le féminisme, signataire de l’appel à manifester.

Alors qu’en janvier 2023, une instruction ministérielle ordonnait le retrait de ces fresques dans tous les hôpitaux de France, il en subsiste encore plusieurs aujourd’hui. Le ministère avait pourtant rappelé qu’elles constituaient un "agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant."

"Les fresques sont l’incarnation même de cette culture carabine, (NDLR : de carabin, nom familièrement donné aux étudiants en médecine) cela participe au système d'impunité des violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la médecine et les banalise", explique Céline Piques. L’association féministe entend ainsi demander au ministère de faire respecter cette instruction en organisant le retrait effectif des fresques. 

Durant ce rassemblement, les organisations espèrent être reçues par Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités et par Frédéric Valletoux, ministre délégué.

Ce dernier avait été interrogé le 24 avril sur France Inter à propos du #MeToo Hôpital et avait promis "des propositions concrètes d'ici quelques semaines pour tourner la page de cette triste période", dans l'ensemble du secteur de la santé, pour "mettre fin à cette ambiance, à cette culture, à ces comportements, à cette violence sexiste et sexuelle".

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