Le syndrome de l’intestin irritable

Le syndrome de l’intestin irritable

3 questions au Dr Corinne Bouteloup , hépato-gastro-entérologue, CFPS - CHU CLERMONT-FERRAND , Université Clermont Auvergne , Unité de Nutrition Humaine UMR 1019, ECREIN.


Q: Comment définit-on le syndrome de l’intestin irritable ?

R: Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est une pathologie fonctionnelle chronique de l’axe intestin-cerveau dont le diagnostic clinique repose sur les critères de Rome IV définis en 2016. Elle est caractérisée par des douleurs abdominales récurrentes associées à la défécation et/ou à des modifications de la fréquence et/ou de la consistance des selles, et le plus souvent à un ballonnement abdominal mais d’autres symptômes digestifs, extradigestifs ou d’autres comorbidités peuvent être associés : nausées, reflux gastro-oesophagien, dyspepsie, douleurs musculaires, céphalées, fibromyalgie, fatigue chronique, anxiété, dépression... Aucun examen biologique ou morphologique ne permet de confirmer ce diagnostic purement clinique. Il est recommandé de faire lors de la première consultation un bilan biologique de base (NFS plaquettes, CRP, TSH, sérologies de maladie coeliaque à savoir anticorps antitransglutaminase IgA + dosage pondéral des immunoglobulines), et chez les patients de moins de 45 ans avec diarrhée, un dosage de la calprotectine fécale. Selon le contexte et l’existence de signes d’alarme (âge, antécédents familiaux de cancer colique, rectorragies…), il pourra être proposé un bilan endoscopique pour éliminer une pathologie organique


Q: Quelle est l’implication de l’alimentation dans le syndrome de l’intestin irritable ?

L’alimentation occupe une place importante dans le SII. Plus de 80% des patients associent leurs symptômes digestifs (ballonnements, douleurs et diarrhée) à la prise des repas et parfois même à la consommation de certains aliments tels que les céréales et notamment le pain, les épices, les légumes, les fruits, les légumineuses, les graisses et les produits laitiers.

Les nutriments peuvent affecter directement ou indirectement la motricité, la sensibilité, la perméabilité intestinale et le microbiote intestinal. Les aliments peuvent induire des symptômes digestifs par au moins trois mécanismes physiopathologiques :

  • L’activation immune définissant l’hypersensibilité alimentaire
  • L’effet chimique par action directe de certaines biomolécules (salicylates, amines, glutamate)
  • La distension luminale provoquée par la production de gaz et la rétention d’eau intraluminale

Jusqu’à 90% des patients modifient eux-mêmes leur alimentation pour éviter ou diminuer leurs symptômes digestifs avec, dans les formes sévères, des régimes parfois très restrictifs pouvant les exposer à des déséquilibres alimentaires voire des troubles du comportement alimentaire, à des déficits nutritionnels et une dénutrition.

 

Q: Quelle prise en charge nutritionnelle peut-on proposer aux patients souffrant de SII ?

R: Les trois principales interventions diététiques couramment proposées sont :

  1. Les conseils diététiques usuels tels que ceux proposés par le National Institute for Health and Care Excellence (NICE)
  2. Le régime pauvre en FODMAPs*
  3. Le régime sans gluten

Ces 3 interventions diététiques ayant globalement la même efficacité sur les symptômes du SII, l’intervention diététique doit être guidée par une analyse détaillée des habitudes alimentaires du patient et des aliments identifiés comme potentiellement déclencheurs des symptômes. La prise en charge diététique, par un(e) diététicien(ne) spécialisé(e) doit être personnalisée.

Le risque de déséquilibre nutritionnel voire de dénutrition et de survenue de troubles du comportement alimentaire ne doit pas être sous-estimé chez les patients souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable.

 * Fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharide and polyols

Sources :

Lacy BE, et al. (2016) Bowel disorders. Gastroenterology 150:1393-407.

Chey WD, Kurlander J, Eswaran S (2015) Irritable bowel syndrome: a clinical review. JAMA 313:949-58.

Vasant DH, et al. (2021) British Society of Gastroenterology guidelines on the management of irritable bowel syndrome. Gut 70:1214-40.

Böhn L, et al. (2013) Self-reported food-related gastrointestinal symptoms in IBS are common and associated with more severe symptoms and reduced quality of life. Am J Gastroenterol 108:634-41.

Hayes P, et al. (2014) A dietary survey of patients with irritable bowel syndrome. J Hum Nutr Diet 27:36-47.

Melchior C, et al. (2021) Perceived gastrointestinal symptoms and association with meals in a french cohort of patients with irritable bowel syndrome. J Neurogastroenterol Motil 27:574-80.

Chey WD, et al. (2022) AGA clinical practice update on the role of diet in irritable bowel syndrome : expert review. Gastroenterology 182:1737-45.

Singh P, et al. (2022) The Role of Food in the Treatment of Bowel Disorders: Focus on Irritable Bowel Syndrome and Functional Constipation. Am J Gastroenterol 117:947-57.

Gibson PR (2011) Food intolerance in functional bowel disorders. J Gastroenterol Hepatol 26 Suppl 3:128-31.

Cuomo R, et al. (2014) Irritable bowel syndrome and food interaction. World J Gastroenterol 20:8837-45.

Rej A, et al. (2022) Efficacy and acceptability of dietary therapies in non-constipated

irritable bowel syndrome: A randomized trial of traditional dietary advice, the low FODMAP Diet, and the gluten-free diet. Clin Gastroenterol Hepatol.

Valentin DIAMANTINI

Diététicien-nutritionniste | nutrition clinique | EBM

1 mois

Dommage que la prise en charge comportementale sur la gestion de la faim, de la satiété, des distensions gastriques, etc ne soient pas plus abordées que ça dans la prise en charge du SII. Au delà de l’aspect biochimique, l’aspect mécanique a également son importance (pour ne pas dire « bien plus »). Tout de même intéressant !

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